Rentrée culturelle : des acteurs culturels algériens réagissent
La rentrée culturelle en Algérie animée par le ministère de la Culture et des Arts sous le signe de « Notre culture est dans notre diversité et notre unité », a suscité de la controverse chez plusieurs acteurs et activistes culturels, des journalistes, ainsi que des universitaires sur la Toile, la qualifiant de « mascarade.»
En effet, pour Ammar Kessab, expert international en politique et management culturel, il s’agit d’une rentrée culturelle « comparable au ministère de la Culture et des Arts lui-même, autrement dit, plus de domination sur l’action culturelle de la part de l’appareil officiel qui a tant brimé les talents depuis déjà 20 ans et essaye aujourd’hui d’embellir l’image du système à travers ce qu’ils appellent culture », ajoutant que le concept de rentrée culturelle « doit être à la hauteur de l’institution qui produit et encourage l’action culturelle », Ammar Kessab souligne « qu’il est encore plus désolant d’utiliser le nom du grand écrivain algérien Mohammed Dib enterré à Paris parce que marginalisé en Algérie, et le terme « diversité culturelle », afin de dissimuler les intentions du ministère. »
De son côté, Rabeh Sebaa, professeur de sociologie et d’anthropologie linguistique a réagi aux photos de ladite manifestation culturelle défilées sur la Toile en s’interrogeant « De quelle rentrée s’agit-il ? On ne parle de rentrée que par mimétisme. Et cette période n’apporte strictement rien de notable par rapport aux mous passés. Bien au contraire, depuis plus d’un semestre la léthargie est générale. Les quelques frémissements pilotés par le comptoir officiel de l’aculture sont insignifiant. Heureusement que les cultures, au sens anthropologique du terme, font la quotidienneté de la société algérienne. Elles n’ont nulle besoin d’une action conventionnelle. Encore moins d’un découpage saisonnier officiel. Il n’y a ni rentrée ni sortie. Il n’existe que des manifestations circonstancielles organisées administrativement dans le but de justifier politiquement la raison d’exister et surtout les raisons d’engloutir les sommes colossales par ledit comptoir culturel. »
Par ailleurs, plusieurs autres activistes culturels, loin des fossés idéologiques, ont dénoncé la démarche de ladite « rentrée culturelle » ; Nahla Naili Bouhired se dit « scandalisée pour la simple raison que le secteur culturel a été l’un des plus affectés par la crise de la pandémie de la Covid-19. » Se tenant du côté de plusieurs artistes qui se trouvent dans un état de précarité inédit, Nahla Naili Bouhired souligne, « Au-delà de cet aspect solidaire, il y a la dimension symboliques des choses. Et les horreurs que l’on a aperçues sur les réseaux sociaux inspirent le dégoût. Elles engendrent des réactions de colère et d’indignation et révèlent profondément les mécanismes d’un système déjà connu. » « Il est temps que le président dela République, qui prétend être un homme d’art et de culture, fasse la distinction, », affirme-t-elle.
Amar Ingrachen, universitaire, journaliste et éditeur, n’a pas manqué le rendez-vous en critiquant la démarche du ministère de la Culture et des Art, « Le ministère de la Culture a unilatéralement décidé d’organiser ce qu’il appelle « la rentrée culturelle », sans se concerter avec les acteurs concernés Il a pris contacts avec des éditeurs pour les associer, mais davantage comme participants à événement dont les tenants et aboutissants leur échappent totalement qu’en tant que partenaire. Ce faisant, il inscrit son action dans une logique tutélaire qui, en plus d’être parfaitement inféconde, pervertit l’action culturelle en en faisant un instrument de propagande et de légitimation au profit d’un gouvernement illégitime », explique-t-il avant souligner dans ce sens « C’est très simple pour nous : l’Etat doit se retirer progressivement et intelligemment de la vie culturelle du pays et laisser faire les acteurs d’une façon indépendante et se contenter de réponde à leurs attentes en matière de législation et d’internationalisation de leurs productions. Toute action gouvernementale sortant de cette tendance à la libération du secteur de la culture ne fera qu’éloigner davantage les Algérien de la culture et isoler le ministère de la Culture et le gouvernement auquel il appartient. »
Finalement, l’intervention de Aziz Hamdi, manager culturel, n’a pas été sans remettre en cause les pratiques insensées pour lesquelles le ministère de la Culture et des Arts a opté afin de célébrer l’événement de la rentrée culturelle, « En premier lieu, c’est quoi l’intérêt de cette rentrée culturelle ? Pourquoi lui donner le nom de Mohammed Dib ? », se questionne-t-il avant de poursuivre, « Ceci nous prouve que le ministère de la Culture et des Arts est en train d’appliquer le même processus du système algérien que l’on a connu depuis 1962 : la folie des grandeurs, la politique des façades, etc. Ils ont complètement défiguré la scénographie de Mohamed Cherchel. Il faut également noter que nous sommes dans le flou total face à cette pandémie, une rentrée culturelle sert à quoi dans un contexte pareil ? Les salles de cinéma sont fermées, les salles de théâtres aussi. Ils sont à mon avis en train de faire du mal à la culture. »