Le malékisme, un islamisme arabocentrique ?
Le malékisme est-il un courant théologique algérien ? Peut-il être une alternative à l’islamisme ? Contrairement à une opinion largement admise en Algérie, très probablement par méconnaissance de l’histoire et de la doctrine malékite, ce courant n’a rien à envier à l’islamisme et il en est même l’une des manifestations les plus fulgurantes.
Dans un entretien accordé à Algérie Cultures, l’islamologue et philosophe algérienne Razika Adnani a mis le point sur l’islam malékite et son irrationalité et son éxogénéité par rapport à la société algérienne qui a sa propre histoire et sa propre culture. « Le Malékisme a été fondé à Médine par Malek Ibn Anas. Ce n’est donc pas, par principe, une théorie algérienne. Même si cela fait des siècles qu’il a été adopté par les populations maghrébines, » affirme Razika Adnani. De plus, ajoute-t-elle, le malékisme ne peut en aucun cas être une solution à l’Islam, puisqu’il associe le juridique et le politique dans le religieux, ce qui fait de lui un islamisme. « Comment un islamisme peut-il être une solution contre l’islamisme ? » se demande dés lors Razika Adnani.
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À la manière d’Ali El-Wardi, sociologue irakien, dans son essai intitulé Les Prédicateurs des Sultans(Woaâd Essalatine), Razika Adnani dévoile la face raciste, ethnocentriste de l’Islam malékite. Selon elle, le malékisme est un islamisme arabocentrique. « Le malékisme revendique la supériorité des musulmans arabes étant donné qu’il a déclaré Médine comme modèle de société pour tous les musulmans et ses habitants ceux qui comprenaient le mieux le message coranique, car non seulement ils maîtrisent la langue arabe, mais ils avaient des liens de sang avec le prophète. Cette théorie adoptée par les Maghrebins explique en grande partie pourquoi les populations de cette région du monde ont rejeté leurs origines et ont prétendu être arabes. Ce rejet de soi a eu des conséquences dramatiques sur ces populations, » souligne-t-elle.
Par ailleurs, à ceux qui pensent que le malékisme peut être une voie de sortie pour les problèmes du XXIe siècle et une alternative à l’islamisme, Razika Adnani rappelle : « Le malékisme est né au VIIe siècle, croire qu’il puisse être une voie de sortie pour les problèmes du XXIe siècle, c’est encore une fois croire que toute solution ne peut venir que du passé, ce qui est le sens même du salafisme. D’autant plus que le malékisme est le premier à avoir jeté les bases du salafisme et du conservatisme, et l’islamisme est un conservatisme. Les Algériens pensent que le malékisme est la solution à leur problème avec la religion, car ils restent très imprégnés du salafisme et de la vaporisation du passé. Ils cherchent toujours les solutions à leurs problèmes dans le passé comme les adeptes de la Badissia et la Novembaria. Alors qu’aucune solution ne peut être possible si elle n’émane pas d’une pensée capable de procéder à une rupture épistémologique et psychologique avec le passé pour penser pragmatiquement la réalité et l’avenir. »