« Les Arts et le Patrimoine d’Alger doivent être au cœur d’une stratégie de développement de la ville » (Nahla Naili, Présidente de l’AAPA)
Dans cette interview portant sur la dimension associative dans la production et la promotion de la culture, Nahla Naili, présidente de l’association Arts et Patrimoine d’Alger-AAPA, nous parle du patrimoine artistique et urbain de la ville, des dangers qui le menacent, des potentialités qu’il recèle et, surtout, de l’impérieuse nécessité de le sauvegarder de la déperdition, de le valoriser et d’en faire un vecteur d’épanouissement social et culturel et de croissance économique.
En 2019, vous avez créél’Association Arts & Patrimoine d’Alger (AAPA) pour la valorisation et la protection du patrimoine d’Alger. Comment est né ce projet. Quels sont vos motivations ?
Je militais depuis 2011, à l’association « Sauvons la Casbah d’Alger », présidée par Houria Bouhired, ma tante. Les principaux axes de cette association sont le patrimoine bâti, le patrimoine urbain et les problèmes techniques et technocratiques de la Casbah. Après l’expérience de l’atelier N.A.S (appendice artistique de l’ASCA) qui portait sur la création d’un espace d’art contemporain, au cœur de la médina, œuvrant jusqu’en 2018 à faire découvrir son site, notamment aux plus jeunes, à travers des expositions d’art, des workshops, des résidences d’artistes, des évènements culturels et artistiques, nous avons compris que cet axe d’arts et de culture était bien trop important, et qu’il nécessiterait désormais une stratégie de déploiement à part entière.
Après ma dernière formation du programme NET MED YOUTH de l’UNESCO, en décembre 2018, qui portait sur l’utilisation de l’outil digital pour la valorisation du patrimoine, l’évidence que le temps était venu de créer ASCA 2.0, une association exclusivement dédiée à la promotion des arts, de l’artisanat et du patrimoine de la ville d’Alger, notamment par l’utilisation de l’outil digital, était là. Dès lors, j’ai entrepris de consulter des personnes potentiellement intéressées par ce projet. En expliquant clairement les missions de l’association : Promouvoir la ville d’Alger par ses arts et son patrimoine culturel.
Le 10 janvier 2019, de jeunes et moins jeunes passionnés des arts se sont réunis au centre culturel d’Alger-centre, Larbi Ben M’hidi, en présence d’un huissier de justice et avec une autorisation conforme de la Wilaya d’Alger pour constituer l’association « Arts et Patrimoine d’Alger » (www.arts-patrimoine-alger.org ) . Il y avait des peintres, des artisans, des enfants de la Casbah, des chefs d’entreprises, des retraités. Notre association était représentative d’une volonté commune d’agir pour préserver l’histoire des arts que nous avait légué la ville, depuis l’antiquité.
Seulement, la wilaya a refusé notre dossier, sous prétexte que le siège de l’association, situé dans la maison du vice-président, Monsieur Dahman Miraoui, devait faire l’objet d’un contrat de location.Notre motivation a tenu 7 mois avant de céder à la pression administrative, aux multiples excuses du service public pour entraver la création de l’AAPA. Et à chaque fois que nous répondions à une condition, en apparaissaient 2 nouvelles.
Nous avons donc décidé de fonder l’AAPA à Paris, en réunissant cette fois-ci, des étudiants en Arts, tous de nationalité Algérienne et résidents en France dans le cadre de leurs études ; Afin de faire valoir, dans un second temps, l’article 61 de la Loi n 12-06 du 18 Safar 1433 correspondant au 12 janvier 2012 relative aux associations, pour formuler une demande de création d’une association étrangère.
Les statuts de l’AAPA PARIS sont identiques à quelques détails près des statuts de l’AAPA ALGER. C’est le même document qui a été refusé par la wilaya d’Alger, que la préfecture de police de Paris, a validé en 21 jours. C’est dire combien le processus de création d’une association à but non lucratif, est compliqué en Algérie. Et c’est à mon sens, l’un des axes principaux sur lesquelles il faudra que le gouvernement travaille pour permettre au citoyen.n.e d’organiser la vie associative.
Finalement, en juillet 2019, l’association, française, Arts et Patrimoine d’Alger voit officiellement le jour. Avec comme membres fondateurs :Samir Chaou, Ghyzlen Boukaila, Melissa Dehbia Mezdad, RedaKherbouche et moi-même.
Nous déposerons aussitôt le dossier au
Ministère de l’Intérieur afin que le bureau d’Alger, constitué en janvier 2019,
puisse activer légalement. Après de nombreuses relances de notre part, nous
n’avons à ce jour, reçu aucune réponse du Ministère de l’intérieur. Pourtant,
nos motivations sont claires et nos objectifs précis : Promouvoir les
Arts de la ville d’Alger,
Promouvoir le Patrimoine (matériel et immatériel) de la ville ,Promouvoir les
compétences de la jeunesse Algérienne, Promouvoir le Bénévolat/Volontariat dans
la vie citoyenne, Promouvoir l’identité Nationale, Promouvoir la Culture de la
ville d’Alger, Promouvoir l’unité Nationale, la cohésion sociale et la
souveraineté de la Nation Algérienne.
Bien que récentes et non-agréée en Algérie, votre association a déjà plusieurs projets dont l’organisation de conférences thématiques sur des questions liées à l’art et au patrimoine ainsi que des Ateliers. Comment se présentent vos activités sur le terrain ? Le public répond-il présent ?
Oui, en effet, notre association a lancé de nombreux projets , parmi lesquels certains sont réalisés à partir de Paris comme : Le Site Casbah 2.0 dédié à l’information, le Digi’Tourisme et la collecte participative de données sur la Casbah d’Alger et son patrimoine (www.casbah2point0.com); Une opération de Crowdfunding sur le premier site Français du financement de projets pour le patrimoine (https://dartagnans.fr) a été mené pour ce projet ; La Chaine Youtube Casbah 2.0 Tv, qui compte déjà de nombreux projets audiovisuels comme : #découvert_un_artiste_algérien ; BIOGRAPHIE D’UN PROJET CITOYEN ; une expertise Algérienne.Enfin, nous avons mis en œuvre le Cycle d’expositions « Young Algerian Artists » à la Galerie Sable d’Art à Paris, en partenariat avec l’artiste peintre Orza Tanem, et visant à promouvoir les jeunes Artistes Algériens sur la scène Parisienne et Internationale. Une première exposition, de l’Artiste peintre Abderraouf Smaili, et intitulée « Enfantillages » a été organisée en novembre 2019.
Nos projets, à Alger sont réalisés en partenariat avec l’association mère ASCA. Aussi comptons-nous à ce jour : le cycle de conférence « Héritage culturel et Spiritualité » qui vise à promouvoir l’héritage spirituel de la ville d’Alger, par des conférences-débats animées par des experts de renommée internationale et dont la première édition a été organisée en janvier dernier, animée par le président de la fondation d’Islam de France, le Professeur Ghaleb Bencheikh ; la résidence d’Artistes internationale – La Casbah des Arts – lancée en collaboration avec l’Agence Nationale des Secteurs Sauvegardés en avril 2018 ; ce projet est fondé sur la création d’une dynamique internationale entre l’Algérie et la France, comportant outre les Ministères de la Culture Algérien et Français, l’Agence Nationale des Secteurs Sauvegardés, l’École Supérieure des Beaux-arts d’Alger, l’école de conservations des Biens Culturels ainsi que l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne, l’Institut ACTE, la Chaire Maghreb et le CNRS Français (UMR 8218).
Avant la crise du Covid-19, nous avions l’ambition d’organiser de nombreux évènements en Algérie et en France. Malheureusement, nous allons devoir, par mesures préventives, nous adapter aux exigences sanitaires dictées par l’évolution de la situation dans les deux pays.
Mais, en attendant, nous comptons lancer très prochainement une web Radio–Radio d’Art’Dja ou l’Art Djazairi qui vise à promouvoir les pratiques contemporaines du patrimoine et de la culture à travers un riche programme d’émissions animées par des acteurs locaux. Et oui, le public est friand des arts et du patrimoine de la ville d’Alger. Il est toujours au rendez-vous, à chaque fois plus enthousiaste à l’idée d’être initier à l’Art. C’est très gratifiant d’accueillir des personnes venues de Tlemcen, d’Oran et de Constantine pour assister à une conférence que vous avez contribué à organiser.
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Le public Algérien s’intéresse à l’art, contrairement à ce que l’on pourrait penser. Seulement, pour avoir vécu une décennie de grands traumatismes collectifs et individuels, nous avons perdu l’habitude d’aller au cinéma, ou dans un musée, d’apprécier un concert de musique, d’aller au théâtre en famille ou entre amis. C’est pourquoi, nous devons réapprendre ces habitudes de consommer la culture locale. Et c’est précisément à cela que travaille l’AAPA : sensibiliser d’abord le public local à la valeur des arts et du patrimoine culturel par des actions très ciblées.
Alger est une ville millénaire. Un patrimoine matériel et immatériel très riche y git, mais, non exploité, non valorisé, il reste invisible, y compris pour ses propres habitants. Pouvez-vous nous parler, en gros, de cette richesse ?
En effet, l’histoire de la ville d’Alger est très riche. Elle remontrait jusqu’au néolithique d’après certains chercheurs. Jusqu’à la période précoloniale, la ville d’Alger renvoyait à sa Casbah.
Cependant, le récit de la ville commence par cette légende rapportée par le grammairien Solin, au IIIème siècle : La cité d’Icosium aurait été fondée par vingt compagnons d’Héraclès (Hercule), durant leur séjour dans les monts Atlas, au cours de l’un des douze travaux. En 1940, la découverte dans un quartier de la Marine (jardin Maringo) va conforter cette légende. En effet, sur le chantier de la régie foncière, dans un sarcophage punique en pierre, plus de 158 pièces de monnaie punique, en plomb et en bronze, frappées entre le milieu de IIème et le milieu du Ier Siècle avant J.C, vont être découvertes. L’on reconnaît, sur le revers des pièces, le Dieu Melkart (d’origine phénicienne) revêtu de la peau de lion, attribuée par la légende à Hercule. Les archéologues y ont vu la plus ancienne personnification de la ville d’Alger[1].
À travers l’histoire de la Casbah, nous cheminons vers l’histoire de toute l’Algérie, car en effet, l’appellation «Algérie» provient du nom de la ville d’Alger ; dérivant du catalan « Aldjère », lui-même tiré de «Al-Djaza’ir », nom donné par Bologhine ibn Ziri, fils de l’émir Ziri de la tribu des Zirides Sanhadja, lorsqu’il bâtit «Djaza’ir Beni Mezghenna» (en 960) sur les ruines de l’ancienne ville romaine.
La densité de l’histoire de la ville est telle, qu’il nous faudrait plusieurs interviews pour faire le tour : la singularité de son évolution historiographique réside dans la diversité de ses périodes, les plus marquantes étant : la période punique, romaine puis ziride, la période almoravide qui inscrira la ville dans un territoire allant des rives du fleuve Sénégal à la plaine de la Mitidja en passant par le Maghreb extrême et l’Andalousie ; la période almohade qui fait d’Alger et Miliana les provinces de Bejaïa, la période des tribus hilaliennes de la confédération de ‘Ma’aquil’, la période zayyanides et hafside, la période de l’Espagne conquérante et des morisques sauvés de Catalogne, Valence (les Tagarins), et Grenade ; la période Ottomane, la période Coloniale, la guerre d’Algérie , la période post indépendance, la décennie noire, et enfin aujourd’hui. Cependant, ce qui nous intéresse dans l’histoire de la ville d’Alger, ce sont les récits liés aux arts et à l’artisanat. En effet, l’AAPA œuvre à faire connaitre la ville par son histoire artistique et culturel.
C’est un travail de documentation et de recherches, de création d’archives et de collaborations interdisciplinaires, qui favorise la création d’un contenu numérique sur l’histoire de la ville. Notre trésorier, Réda Kerbouche, étant très actif avec la communauté wikipédienne, a favorisé une telle démarche, en facilitant la collaboration avec Wikipédia notamment pour la Création du portail Wikicasbah2.0
Nous œuvrons également à démocratiser l’utilisation de l’outil digital dans la promotion du patrimoine à travers un axe dédié à la formation des jeunes, à l’organisation de e-concours et challenges et à la contribution participative des citoyens à la rédaction d’articles Wikipédia (dans la langue de leur choix) sur le patrimoine algérois.
Les autorités algériennes parlent depuis des années de la réhabilitation de la Casbah et des monuments historiques. Or, sur le terrain, on constate que cet immense patrimoine architectural dont dispose Alger part en ruine année après et année. Que faut-il faire en urgence selon vous ?
En effet, depuis son classement national en 1991, et universel par l’UNESCO, en 1992, l’état de la Casbah d’Alger n’a cessé de se détériorer, sous l’œil impuissant de ses enfants et des amoureux du patrimoine.
Les conséquences que nous voyons aujourd’hui à la Casbah d’Alger, que nous retrouverons d’ailleurs sur l’ensemble du territoire national, sont des conséquences dont les origines sont multiples. D’une part, il est question d’absence de vision stratégique par les pouvoirs publics sur le développement des outils urbanistiques, financier et juridique pour aménager le territoire. D’autre part, il est également question de « culture du relogement ». En effet, de nombreux Algériens profitent des opérations de relogement de la Casbah et squattent des bâtisses abandonnées ou dont le statut est un Wakf, afin de bénéficier d’un logement. Je crois que plus de 20 000 logements sociaux, ont ainsi été attribués ces 25 dernières années (chiffres à vérifier avec la Wilaya d’Alger).
L’urgence apparait, ainsi, dans la restauration d’un cadre de relogement stricte, dont les bénéficiaires seraient légalement contrôlés et triés en fonction des justificatifs prouvant leur propriété ou leur héritage à la Casbah d’Alger. Il serait également judicieux de mettre en place un système économique favorisant l’entreprenariat. Par exemple, si une famille quitte la Casbah d’Alger, et que l’un de ses membres souhaite créer une entreprise en lien avec le patrimoine (matériel ou immatériel) de la médina, l’État pourrait concevoir et imaginer, dans ce sens, un mécanisme fondé sur le mérite, et qui lierai bénéficiaire d’un logement à une obligation de performance économique via une activité commerciale. Des mécanismes allant du micro-crédit, jusqu’à l’exonération d’impôts, encourageront ainsi d’une part, l’entretien d’un lien entre Habitants relogés et patrimoine immatériel de la ville, et d’autre part, l’entreprenariatculturel.
Il est également urgent d’assoir l’ensemble des acteurs de ce projet autour d’une table, afin de définir une stratégie d’action globale sur le patrimoine bâti algérien, algérois, casbadji, en associant les secteurs public, privé et la société civile. Quand vous traversez l’Algérie, vous vous apercevez que le problème « Casbah d’Alger » est récurrent. Je cite pour exemple la ville d’Oran, de Constantine, de Skikda, de Tlemcen, de Bejaia, d’Annaba et de Timimoun.
L’Algérie, malgré toutes les bonnes volontés qui définissent ses politiques de ces 50 dernières années, n’a pas su exploiter son potentiel culturel, urbain et patrimonial : d’abord au profit de ses citoyens, parce qu’une ville belle et agréable donne une vie belle et agréable et plus de productivité. Ensuite, parce qu’un patrimoine culturel et urbain, bien exploité, est source de richesses, d’emplois, de convivialités, de tourismes, et de paix.
Il me semble que l’urgence de la Casbah d’Alger est la même que celle des autres villes. Elle concerne 9 domaines fondamentaux.1) L’architecture et l’urbanisme : incluant la réhabilitation du patrimoine bâti et la consolidation des volumes urbains de la médina ainsi que l’harmonisation des différents ensembles urbains de types colonial et traditionnel et la végétalisation de la ville. 2)L’archéologie : incluant la recherche archéologique et l’exploitation du potentiel archéologique de la ville, mais aussi la formation de jeunes générations et l’insertion de ce patrimoine dans des stratégies de promotion touristiques de la médina (l’utilisation de la réalité virtuelle – gamification – etc.). 3)L’art et l’artisanat : incluant la formation d’artisans sur des chantiers-écoles et la valorisation des savoir-faire locaux, l’ouverture de musée d’art contemporain, de théâtres, de cinémas, de scènes musicales, de conservatoire Châabi, la promotion des initiatives citoyennes et artistiques locales, l’organisation d’évènements culturelles,…4)L’investissement privé et l’entreprenariat : l’encouragement de l’investissement privé est également un axe important, qui permettra à l’État algérien de rouvrir les spéculations favorables à une réévaluation foncière de la Casbah d’Alger. Il va sans dire que ces investissements devront toujours être encadrés par une stricte application de la loi 98 :04 ainsi que des mécanismes de validations préalables (avant–acquisition) des projets de reconstruction. 5)L’exploitation de Wakfs :incluant la mise à disposition des biens Wakfs de la Casbah au profit de projets servants la communauté par leur impact sur la revalorisation du site. Des contrats-types permettront ainsi l’exploitation des biens vacants, comme les petites boutiques de la médina.6) L’Éducation Nationale, l’enseignement universitaire et la recherche scientifique :incluant les domaines scientifiques, sociaux et humains pour favoriser le développement de formations aux métiers du patrimoine. 7) La documentation et l’archivage des données :incluant la création d’un centre de documentation (papier et numérique) sur la Casbah d’Alger, ainsi qu’une formation d’historien archiviste.8) La communication et la médiation culturelle :incluant une stratégie de communication pour sensibiliser et associer le citoyen dans le travail de requalification du patrimoine de la Casbah. 9) Les nouvelles technologies : incluant une stratégie d’exploitation des nouvelles technologies pour la préservation et la mise en valeurs du patrimoine.
Il est important de comprendre que la réalisation de ces 09 chantiers doit être simultanée. L’un ne fonctionnant pas sans l’autre. L’urgence serait donc d’appliquer, au préalable, une transversalité sectorielle. Tout en favorisant le modèle participatif (public, privé, société civile) et la consultation citoyenne sur les projets.
Le cas « Casbah d’Alger », pour être traité convenablement, devra impérativement obéir à une logique de patrimonialisation incluant une dimension de réhabilitation symbolique de la valeur du patrimoine (matériel ou immatériel).
À Alger, il existe plusieurs immeubles vieux de plus d’un siècle, ayant appartenant à des personnages illustres, qui ont été reconvertis en administration, en résidence familiale, etc., par certains bureaucrates. Rachid Boudjedra, dans son dernier roman La dépossession, parle de la destruction de la maison du peintre Albert Marquet, de la profanation de ses toiles, et de la construction d’une villa dans le terrain qui l’a légué à l’Etat algérien. Il tient, selon ses dires, cette vérité de la bouche de l’ancien ministre de la Culture Redha Malek. Ce genre de situation est récurent. Pourquoi on efface comme ça la mémoire de la ville ? Quels en seraient les conséquences ?
En effet, et le cas évoqué n’est qu’une goutte d’eau dans un océan patrimonial encore en péril. Je répondrai spontanément qu’on efface la mémoire par ignorance. Les gens qui s’engagent à détruire un bâtiment ou un bien à valeur patrimoniale remarquable, n’ont aucune idée de ce qu’il représente, dans le passé, le présent et dans le futur. Ce n’est pas spécifiquement la mémoire qui est visée, enfin pas toujours ! C’est la spéculation sur un foncier ! L’appât du gain, ou simplement l’expression d’une bêtise humaine avérée.
Bien sûr que de nombreux biens patrimoniaux algériens ont été profanés et si vous me lancez sur ce sujet, je risquerai d’évoquer très rapidement la résolution 2347 adoptée à l’unanimité en mars 2017, par le Conseil de sécurité des Nations Unies. C’est la première Résolution exclusivement dédiée au rôle du patrimoine culturel pour la paix et la sécurité.
En effet, à l’Association Arts & Patrimoine d’Alger, nous sommes convaincus que détruire un bien culturel est un crime contre l’humanité. Un crime de guerre que le citoyen Algérien perpétue, presque quotidiennement, en toute impunité.
Les lois existent et certaines sont appliquées mais le véritable problème réside dans le fait que beaucoup de notre patrimoine bâti et/ou culturel et urbain n’est pas classé. C’est à partir de ce constat que mon associé et moi avons développé le Business Model de notre Sarl Citizen Inventory Of Heritage (CIH) ou Inventaire Citoyen du Patrimoine, afin de recenser le patrimoine non classé pour le protéger dans un premier temps, et éviter ainsi la destruction de bien à valeur patrimoniale comme la maison du peintre Albert Marquet, et le mettre en valeur dans un second temps, pour promouvoir des destinations touristiques patrimoniales et culturelles, en Algérie et dans les pays associés à ce projet.
Les conséquences de la destruction du patrimoine ont un impact direct sur la falsification de la mémoire collective, locale et universelle. Mais pas que ! Ces conséquences ont depuis le début du 21ème un impact, également, sur les économies des nations. En effet, le patrimoine en tant que domaine fondamental du secteur culturel contribue à renforcer ce dernier, comme secteur productif dont la croissance renforce les économies nationales[2].
Les activités et industries culturelles sont
des moteurs de croissance permettant la génération de revenus et la création
d’emplois, et ce, à la fois dans les économies en développement, les économies
émergentes et celles de coopération (OCDE) ; et compte tenu des richesses
de notre pays, nous devrions sérieusement envisager ce secteur comme la
solution au chômage, au régionalisme et à l’ignorance, mais également comme une
opportunité de renforcer notre économie nationale, tout en faisant la promotion
d’une histoire universelle, qui garantira le rayonnement mondial de l’Algérie et
consolidera les valeurs de son identité plurielle et sa souveraineté.
[1] Abderrahmane khelifa, Histoire d’El DjazaïrBaniMazghanna, éditions Casbah, 2007.
[2]https://fr.unesco.org/creativity/sites/creativity/files/dimension_economie.pdf
J’ai soulevé le problème du patrimoine ( le vieux bâti en l’occurrence), dans mon livre « Le Chemin Après le Beau Temps » , et nous avons été invités à cette occasion par Canal Algérie (émission Culture Club), mais tout ce que les invités ont trouvé à dire c’est : « l’auteur est en désenchantement » ! Pour vous , le problème ne se posait pas! Je ne comprends pas. Vous avez changé d’avis?! Cette attitude me laisse sans voix.