« La pieuvre » : roman de Salima Mimoune

Quand l’amour de deux adolescents donne à lire tous les travers d’une société, empétrée dans un moralisme de mauvais aloi. Et engluée dans les rêts enchevetrés d’une pseudo religiosité qui suinte le mensonge, l’hypocrisie et la tartufferie. Yousra et Yanis, jeunes amoureux, dénotent, dans un décor de faux consensus communautaire. Mettant à nu, par leur relation passionnée, les différentes faces de l’hypocrisie d’une communauté qui se dupe comme elle respire. Qui trompe et suborne comme elle transpire. Secrétant à profusion des sudations et des suées de dissimulation, de tromperie et de mystification. Faussement partagées par l’ensemble. Et qui sont enfreintes, transgréssées, piétinées et violées dans l’intimité de chacun.

Ce troisième roman de Salima Mimoune, au titre évocateur, provocateur et agitateur, se veut un contre-feu flamboyant de ces simulations. Mais un également un plaidoyer franc, acerbe, amer et incisif pour les victimes de ces mensongères dissimulations. Un plaidoyer pour des valeurs d’humanité, de liberté et de générosité. Un cri strident, un cri perçant pour briser les chaînes multiples qui enserrent toutes les magnificiences d’être femme dans une société qui se voile la conscience devant les pires crimes. Afin de pouvoir s’adonner à la chasse des pruderies et des pudibonderies déguisées en spongieuses fantasmagories. Un texte bourré de vibrations, qui s’ouvre sur toute une symbolique. La dévastation d’un décor naturel, porteur de beauté, par des indivdius hisrsutes aux propos vulgaires et haineux. Des personnages bien brossés et bien cernés. La fouine, le courtaud ou le professeur d’histoire qui fantasme, en toute circonstance, sur ses élèves et sur Yousra en particulier, victime de ses constants attouchements. Ou encore Bachir porteur de valeurs de lumière et qui finira égorgé, étouffé par une tentacule hideuse de la pieuvre. Hedda l’atypique sage-femme avec sa moto et son beret étoilé, Yasmine l’institutrice coincée qui attend de se marier…   Tous portent, chacun à sa manière, un désir de vivre. Comme une amulette, bien visible à la face affreuse d’une « secte d’enragés accusant l’amour de tous les maux ». Une écriture alerte et tournant le dos à toute fioriture. S’offrant le luxe de semer des éclats de poèmes, au détour de plusieurs séquences :

« …Je suis d’un Dieu à l’allure d’un rayon de soleil,

Une lune d’argent, une étoile au firmament…. »

ou encore plus loin :

« Ils vous arracheront l’avenir

Comme un demain à fleurir

Un poème à relire »

Un roman embaumé de poésie mais surtout semé de dialogues d’une grande profondeur, sur des sujets graves. Comme l’amour, la liberté sexuelle, la beauté d’être femme et surtout le bonheur de les exprimer. Une trame où se confrontent les visions d’une sociéte en plein désarroi. Un roman qui remet les pendules l’heure sur nombre de questions. Un roman à la fois sensible, lyrique, enthousiaste et décapant.

La pieuvre

Roman de Salima Mimoune

Les presses du Chelif, 2021, 149 pages

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *