Lettre à Abdou Elimam
Mon cher Abdou,
La mémoire vivante, cette mémoire vibrante des langues algériennes natives, maternelles ou de socialisation, retiendra, inaltérablement, le souffle exaltant de ta perspicacité déterminée. Une perspicacité qui n’a jamais cessé de retrousser, énergiquement, les manches de ses neurones étonnés. Et de réveiller, inlassablement, les tonalités faussement engourdies de ces langues qui sont l’enseigne de nos rêves. De nos promesses, de nos désirs, de nos insatiabilités et de nos sensibilités irrévocablement imaginatives. Ces sensibilités indomptées qui habitent confortablement nos quotidiennetés rétives. Et puis cette langue en partage, cette langue de tous les partages que tu tenais à désigner par cette notion rassembleuse de magharibi en remontant jusqu’à l’époque punique pour trouver des traces historiques. Pour attester des preuves linguistiques. Cette même langue que d’autres appellent, par paresse de l’esprit et une légèreté déconcertante, darija, àamiya ou chàabiya et que j’appelle tout naturellement el jazaîrya, la langue algérienne ou l’algérien. Cette langue de nous tous te devra son statut épistémologique d’objet de connaissance. Le travail de toute une vie. Que nulle mort ne peut transforme ou réduire en trépas. Rappelle-toi Abdou, il y’a à peine quelques semaines sous les auspices mirobolants de Yemma Gouraya avec nos deux complices de toujours Khaoula Taleb Ibrahimi et Abderrazak Dourari, tu n’avais pas la moindre intention de nous fausser compagnie.. Car tu savais que ce combat pour la réhabilitation de nos langues algériennes te compte comme fer de lance. Tu savais que nos langues ont besoin de ta présence scientifique. Mais tout ce que tu as bien voulu nous céder comme legs réflexif sur les langues excuse amplement ton distanciement.