« L’islam est incompatible avec la pensée moderne » (Adonis, poète)
Il n’est pas faux de dire qu’une partie de la croyance musulmane repose sur la tradition du littéralisme et du Naql. Tout comme le texte coranique, les hadiths de Mahomet ont été transmis de génération en génération suivant la tradition orale, ce qui les a indéniablement exposés aux glissements sémantiques. C’est dans ce sens de l’interrogation de cette tradition, sa mise à jour en fonctions des évolutions et ruptures ayant marqué le monde moderne, que la pensée des réformistes à l’image de Mohammed Arkoun s’oriente.
Pour Adonis, penseur et poète syrien, s’il existait une pyramide de la pensée, Mohammed Arkoun en occuperait le sommet, car il s’agit du seul penseur qui a essayé de réfléchir les textes religieux musulmans (Coran et Sunna) d’un point de vue historique. Or, pour Adonis, « ce qu’ont dit et écrit les intellectuels du monde arabo-musulman reste jusque-là insuffisant. » Insistant sur la nécessité de penser le texte coranique dans une perspective critique, il s’interroge et interroge : « Pourquoi nous ne pouvons pas débattre des interprétations du Coran ? Quelle serait la valeur philosophique de la révélation ? Pourquoi les musulmans ne posent-ils pas ce type de questions ? »
Par ailleurs, Adonis n’a pas manqué d’aborder la notion de la liberté chez l’individu arabo-musulman dans son rapport au texte coranique qui, jusque-là, passe par les interprétations qui sont faites par des lecteurs autoproclamés exclusifs du Coran. « Il faut que l’on passe à un autre niveau : réclamer sa liberté de différentes façons et appréhender le texte coranique de plus près sans passer par l’imam Chafiî et Al-Boukhârî », a-t-il souligné. S’agissant du statut du rapporteur des hadiths de Mahomet, El Boukhari en l’occurrence, Adonis s’est interrogé sur la manière aveugle dont on appréhende ce qu’il dit. « El Boukhari n’a jamais été aussi subtile que Mohamed Arkoun, d’un peu de vue humain, religieux et scientifique »a-t-il conclu.
Dans une autre perspective, Adonis a savamment déclaré que l’islam « tel qu‘il est interprété, vécu et pratiqué, se contredit totalement avec la pensée moderne. Même les hommes de religion ont depuis toujours combattu ce que l’on appelle la pensée moderne. »
Victimes de leurs sociétés musulmanes, le poètes ont, dit Adonis « toujours été combattus. » « La poésie est une hérésie pour eux, comment voulez-vous que les sciences et les savoirs soient bien accueillis ? », s’est-il encore demandé. Insistant sur l’idée de la mal interprétation de la religion, Adonis a souligné que « la modernité ne peut être vécue dans les sociétés arabo-musulmanes alors que les interprétations archaïques de la religion sont encore valables. Il faut séparer la religion de la vie politique et accorder le droit de sa pratique à tous les croyants. »
Il y a un document très intéressant et instructif que je propose à ceux qui veulent fouiller un peu :
https://www.mehdi-azaiez.org/Le-Coran-des-historiens-Collectif-sous-la-dir-Mohammad-Ali-Amir-Moezzi
Bonne lecture à tous