Éloge de l’incertitude
Nietzsche nous l’avait dit. Ce n’est pas le doute, mais la certitude qui rend fou. Il savait de quoi il parlait. Et nous, nous savons de quoi nous doutons. Nous savons aussi ce qu’est le prix de la folie. En ces temps de sourde précarité. Et de lourde incongruité. Où toute conviction, toute évidence, toute vérité vole en éclats dispersés. Ou se réduit en poudre d’inconnu. Et puis de tristesse en sinistrose, d’appréhensions en désœuvrements, de craintes non retenues en frayeurs non contenues. Puis d’inquiétudes, d’interrogations et de questionnements surtout, qui pointent brutalement du nez. Qui nous ouvrent amplement les yeux de la pensée. Les oreilles de l’entendement et du raisonnement. Sur des questions longtemps congédiées de notre conscience et de notre lucidité engourdies. À présent, nous mesurons l’incommensurabilité du désastre. Pour nous et pour toute l’Humanité. Mais pour notre société, surtout, c’est le gouffre dans toute son abyssalité. Toute une société qui découvre la bouffonnerie et l’aberration des constantes momifiées. Tout un pays qui découvre brutalement des invariants nationaux dans toute leur vanité. Et un système de gouvernance dans toute son insanité. Un condensé de faussetés érigées en algorithme distillant d’insoutenables sornettes déguisées en vérités. Au détriment de toutes les espérances, de toutes les aspirations, de tous les désirs, de toutes les illusions d’une Algérie étouffée, asphyxiée, oppressée. Spoliée de ses cultures, de ses arts, de ses langues, de sa créativité, de ses rêves et son imaginaire Une contrée entière réduite à une morosité mortifère. Une contrée palpitante où le ciel et la mer ne se quittent jamais du regard. Une Algérie où tout incite à aimer et à rêver. Et qui réapprend à douter vaillamment. À douter résolument. Tout en espérant, en imaginant et en créant. Car, à présent, toutes les certitudes contrefaites se trouvent réduites en cendres, par le feu du doute. Un doute collectif. Un doute partagé. Un doute salutaire. Un doute rédempteur. Un doute libérateur. Un doute comme un cortège joyeux d’incertitudes en mouvement. Contre l’immobilité du véritoire, vigile inamovible de l’enfermement.