La défaite du sacré
Il faut se hâter ! L’Histoire va fermer. Jamais ce cri d’Henri Michaux n’a eu autant de sens et de consistance. En ces temps de désenchantement. De profond chambardement. Sauf pour ces indécrottables mentalités en mal de bouillonnement. Chaque année. Réitérant le même cirque grouillant. Pour l’exhibition des mêmes absurdités. Donnant sur la cour des stupidités. Et s’ouvrant sur le jardin luxuriant des insanités. Un mois durant. Un mois entier. Le mois du grotesque ballet des couffins inassouvis. Et de l’approvisionnement goinfre dans toute sa frénésie. Comme si l’Histoire allait, effectivement, fermer. Des couffins gloutons et voraces. Des couffins boulimiques et insatisfaits. Au milieu desquels trône invariablement « le Couffin du Ramdam ». Véritable constante parmi les constantes nationales avariées. Sur fond de piété aussi factice que malodorante. Et de foi aussi douteuse que chancelante. Un mois pour la danse des panses. Et la messe des outrances. Auquel l’engeance régnante vient d’ajouter, cette année, une nouvelle offense. L’humiliation des chaines interminables devant des mairies blafardes. Pour une obole de la honte. Et de l’opprobre officialisé. Pour une généralisation de la misère et du dénuement institutionnalisés. La nouvelle carte d’indigence. Un État sans lucidité qui s’évertue à réduire sa population à la mendicité. Et à la culture de la passivité et de la main tendue. Au nom du retour annuel du sacré. Une prétendue sacralité dont on veut parer ce mois de clémence supposée et de solidarité présumée. Le mois de la foi exhibée avec exagération. Et de la communion étalée avec ostentation. Sans la moindre retenue. La sacralisation de toutes les formes d’altruisme. Du bout des lèvres. Et s’évanouissant au coin de la première rue venue. Se limitant, auparavant, à un flot gluant de soupes jaunâtres sous des tentes grisâtres. Mais cette année, le sacré sera sonnant et trébuchant. Comme le veut la mécanique grippée de l’officialité. Avant d’être poussé dans ses ultimes retranchements. Et les limbes de l’exiguïté aride du confinement. Une retraite qui pousse, les plus perspicaces, à renouer avec d’autres valeurs du sacré. À découvrir de nouvelles sacralités. Comme celle du partage dans toute la magnificence de sa vérité. Dans ses élans de sincérité. Les sacralités de l’humain dans son ineffable beauté. De l’empathie, de la compassion, de l’écoute de l’autre et de l’authentique disponibilité. Et des retrouvailles entre soi. Le voyage dans les splendides méandres de l’intimité. Sans fioritures et sans fausses parures. Des sacralités qui tournent définitivement le dos au sacré surfait. Au sacré sacrément défait.