Les juifs sephardis d’al andalus : Ibn Gabirol
La philosophie et la science furent très prisées dès les premiers temps de l’islam dans l’andalousie médiévale, dans un climat de grande tolérance religieuse et intellectuelle. Al andalus connut les premières traductions en arabe des philosophes grecs, surtout Aristote, et vit surgir un intérêt profond envers cette science.
Même si quelque fois tout au long de son histoire, la philosophie n’était pas toujours très bien considérée par des autorités religieuses rigides, et conservatrices qui n’approuvaient pas toujours ces idées novatrices allant à l’encontre d’un islam sclérosé.
Son étude a été parfois interdite par certains oulémas, et les oeuvres de philosophes célèbres comme ibn Hazm de Cordoue, de l’oriental al Ghazali ou encore ibn Rushd (Averroes) furent persécutées et brûlées.
Contre l’opinion de certains imams dogmatiques, les philosophes soutenaient que l’intellect et la raison n’étaient absolument pas contraires à la révélation et constituaient l’instrument le plus adéquat pour atteindre la vérité.
Parmi tous les philosophes qui professaient ces idées, je citerai Ibn Gabirol, connu également sous le nom de Avicebron, juif séphardi du XI ème siècle, qui professa une philosophie néo-platonicienne.
Ibn Gabirol ou Salomon ibn Gabirol, en hébreu Shelomo ben Yehouda, en arabe Abou Ayyoūb Souleiman ibn Yahya ibn Jabirūl, latinisé en Avicebron (Né vers 1021 à Malaga, décédé vers 1058, à Valence) est un rabbin andalou, poète, théologien, et philosophe, rattaché au néoplatonisme.
« Poète parmi les philosophes, philosophe parmi les poètes » comme le définissait Heinrich Heine, il est l’auteur d’une œuvre philosophique dont la teneur a bien plus influencé la scolastique chrétienne que la philosophie juive.
Il mourut à Valence vers 1058-59 après des années d’errance. Ibn Yahya dans son « Shalshelet ha-Kabbalah » rapporte une légende selon laquelle il fut assassiné par un poète jaloux et enterré sous un figuier, qui donna de si bons fruits, qu’on creusa sous lui afin de déterminer les causes de cette qualité, et qu’on trouva le cadavre d’Ibn Gabirol ; le meurtrier aurait alors expié de sa vie.
Adepte de la philosophie néoplatonicienne, parmi ses oeuvres les plus remarquables, on peut citer: Le livre de la source de vie, La Couronne Royale, Le Livre des Perles, ou encore Livre de la Correction des mœurs…
Les séphardis donc, sont les descendants des juifs espagnols qui vivaient sur la péninsule ibérique jusqu’en 1492.
L’origine du mot vient de « Sefarad » qui est le nom hébreu de l’Espagne.
Les séphardis ou séfarades, au Moyen Âge, avant leur expulsion en 1492 par les autorités chrétiennes à la suite de la Reconquista, ont participé au foisonnement créatif et culturel d’Al-andalus, caractérisé par un contexte multiculturel fécond, à la fois musulman, chrétien et juif dans les domaines de la philosophie, de la poésie et des sciences. Ils y ont également développé une culture, un mode de vie et une langue propres, le judéo-espagnol, ainsi qu’une liturgie spécifique.
Ce qui est étonnant, c’est que durant la période musulmane de l’Espagne, les séphardis ont vécu avec les musulmans et les chrétiens en parfaite symbiose et leur culture prospéra et rayonna partout jusqu’à leur expulsion par les Rois Catholiques en 1492.
Il faut mettre en relief le fait que cette hostilité contre les juifs, une hostilité qui n’a jamais existé dans l’Espagne musulmane, commença à se préparer à partir des échelons les plus hauts de la hiérarchie chrétienne, avec les précieux conseils de la sainte inquisition espagnole.
Une fois chassés d’Espagne, ils s’installèrent essentiellement au maghreb, en Turquie, et au Portugal. Mais malheureusement, en 1497, la couronne portugaise décréta également le baptême ou l’expulsion pour les juifs, avec en plus un raffinement de cruauté: les expulsés ne pouvaient pas prendre avec eux leurs propres enfants.
Il y eut aussi un grand nombre de « conversions » entre guillemets: de grands savants furent obligés de s’installer en Angleterre, aux Pays-Bas et continuèrent à écrire en espagnol.
Ce qui supposa, par ailleurs, une immense perte pour la culture hispanique.
Un certain nombre restera, parce que la même année, en 1492, ils s’étaient faits baptisés et avaient accepté la foi chrétienne.
Mais ceux qui restèrent ne furent jamais à l’abri des soupçons de la Sainte inquisition espagnole.
L’histoire a, par ailleurs, retenu un grand nombre de procès contre ceux qui gardèrent même une infine trace de judaïsme. Les irréductibles furent brulés vifs… et les autres ont vécu une vie assombrie par la discrimination raciale et religieuse.
Un grand nombre de juifs qui s’installèrent au nord de l’Afrique, et plus précisément en Algérie, Maroc et Tunisie n’ont jamais oublié leur langue natale. Et ce qui est curieux, c’est que le judéo-espagnol du Maghreb a subi certaines influences de l’arabe, du français et de l’espagnol moderne.
Le folklore des séphardis est fondamentalement espagnol. On peut y trouver des « romances » conservés par tradition orale depuis le XV ème siècle.
Parmi ces juifs séphardis, un grand nombre d’écrivains célèbres: Fernando de Rojas, l’auteur de La Celestine, Fray Luis de León, Mateo Alemán, le philosophe Spinoza…