Le printemps dure longtemps
Un printemps qui bourgeonne indéfiniment. Et qui refleurit interminablement. Hymne paré à l’Algérie fière et altière. Fervente et récalcitrante. L’Algérie qui sait exprimer savamment sa colère. Face à l’ignominie et à l’étranglement mortifère. L’Algérie du printemps qui dure. Le printemps qui chemine. Et qui fulmine depuis ce mois d’avril de l’année quatre vingt. Un printemps qui ne sait plus s’arrêter. Et qui souffle sur les toits de l’Algérie entière. Un printemps qui va à l’assaut des cimes de l’horizon. Et des pinacles de toutes les floraisons. Un printemps porteur de prometteuses nouaisons. Pour tout un pays longtemps figé par la peur. Ligoté par une atonie en acier. Et un accablement en béton armé. Très armé. Un pays qui sentait le renfermé. Le souffre et le moisi. Durant deux décennies amères. Deux décennies d’hiver. Avant ce sursaut printanier. Un printemps qui a ouvert les yeux à toute la société. Sur les insoutenables stupidités et les insupportables excentricités d’un pouvoir indu. Un régime qui cultive la glaciation et sème la mortification. Généralisant la répression et banalisant l’oppression. Selon les schémas de la reproduction élargie. En toute effronterie. Avant ce printemps résolu. Qui a déposé une gerbe aux pieds de la nécessité de libérer les langues longtemps réprimées. Et convoqué l’urgence de réhabiliter les cultures furieusement décimées. La nécessité de restituer ses marques à l’imaginaire culturel algérien. Dans toute sa diversité. De rendre aussi sa dignité à un citoyen longtemps brimé. Écrasé, piétiné, humilié, Un homme né, pourtant, libre. Et irrévocablement insoumis. L’Amazigh, qui a toujours porté en lui la flamme de la liberté. Une flamme indocile. Qui danse en guise d’estampille indélébile. Rétive et insoumise. Une indocilité qui s’accouple avec sa légendaire dignité. Brandissant quelques figues et un rameau d’olivier comme symboles hautains d’une sève nourricière. Génératrice d’exigence. Pour tout Amazigh digne, qui se love dans la liberté du pays comme un miroir. Et pour qui dénoncer assidûment l’engeance qui squatte le pouvoir, depuis des lustres, est un devoir. Douter et contester, est un supplément d’âme inaltérable. Une parcelle de mémoire d’une force ardente, depuis des lustres et quelques millénaires. Une force qui n’a jamais cessé de célébrer l’Algérie dans toute sa somptuosité. Dans toute son invulnérabilité intrinsèque. Forgée par ses diverses adversités. Par ses multiples altérités. Proches et lointaines. Et par les torrents intérieurs qui coulent dans ses rêves domptés. Jalonnant d’autres printemps inaboutis. Mais incessamment recommencés. Ces printemps chargés des différents serments engrangés. Et qui tonnent, invariablement, comme une salve de lendemains irrévocablement insurgés.