« On pourrait qualifier Arkoun de néo-traditionaliste » (Abderrahmen Moussaoui, anthropologue)
Mohamed Arkoun, est-il un réformateur de l’Islam ? C’est l’une des questions qui ont été posées à l’anthropologue algérien Abderrahmen Moussaoui lors d’un entretien qu’il a accordé au quotidien algérien Liberté et à laquelle il a répondu que « l’on peut en effet le considérer comme tel . »
Argumentant ses propos, Abderrahmen Moussaoui a souligné que toute l’œuvre de Mohamed Arkoun « tente d’ouvrir la possibilité de révision et d’actualisation (au sens de remettre en acte et en action) des règles juridiques établies en réinterprétant l’initial.
Mais à suivre le raisonnement de ce chantre de l’historicisation de l’islam, on pourrait aussi le qualifier de néo-traditionaliste, dans la mesure où il se réclame des premiers siècles de l’islam qui ont vu les savants musulmans confronter thèses et antithèses pour étayer leurs opinions. Sa démarche se veut un frayage, car, pour lui, le chemin a déjà été emprunté et il est, par conséquent, possible et relativement aisé de l’emprunter de nouveau. »
En effet, pour l’anthropologue oranais, « le chantre de l’historicisation » a toujours appelé « à revenir à cette tradition de la discussion et de la disputation pour établir les vérités à partir de ce qu’il ne considère pas comme étant des règles immuables, mais des principes généraux pouvant de nouveau être rediscutées », a-t-il expliqué en soulignant l’attachement de Mohamed Arkoun à la tradition de « l’islam dans sa première grandeur » comme dirait Maurice Lombard, afin d’appliquer « une refonte radicale du système de production de la règle de droit. »
Réaliste, M. Moussaoui a également mis l’accent sur la régression remarquable de la « casuistique théorique » arkounienne face au « triomphe historique des écoles théologico-juridiques (madhâhib) », et l’impact de la fermeture de la porte de l’ijtihad sur la pensée. Il a rappelé aussi que Mohamed Arkoun a dénoncé, dans son ouvrage Humanisme et Islam « la croyance orthodoxe qui confond « les instances de l’autorité divine dans le discours coranique » et les règles édictées par les fuqahâ ». « Il considère même qu’on est mieux outillé, aujourd’hui, pour le faire, que ne l’étaient ces fuqahâ` que la tradition vénère, et ce, grâce au développement de certaines disciplines (anthropologie, linguistique et histoire) et de leurs méthodes scientifiques », a affirmé M. Moussaoui.