«Nous sommes toujours en attente de cette solidarité des pensées» (Youssef Seddik, philosophe)

Mohamed Arkoun, cette figure incontournable qui fait l’objet d’étude de plusieurs spécialistes dans le monde, continue à alimenter le débat autour des questions liées à l’islam et au monde arabo-musulman. Mais qu’en est-t-il de son apport ? C’est ce qu’a abordé l’anthropologue et philosophe tunisien Youssef Seddik lors d’une interview accordée au quotidien Liberté, et où il pense que l’apport de Mohamed Arkoun reste incontestable, totalement nouveau et déstabilisant, mais il n’a pas échappé au refus des sociétés pour lesquelles il a essayé de trouver des solutions pendant toute sa vie, « Je parlais plus haut de l’îlotage et de la guerre des egos dans les espaces où tentent de penser les gens d’islam. Nous attendons encore la venue de cette république de l’intelligence et de l’audace. L’Europe l’a fondée envers et contre tous et tout avec les Diderot, Rousseau, d’Alembert, Voltaire, etc., qui malgré leurs différences d’humeur, de goût et parfois de vision du monde ont pu amorcer le grand virage vers un monde radicalement autre, celui de la synergie entre l’individuel, le sujet et le collectif, le nous opposé à l’oppressif, le tyrannique et le grégaire », a expliqué Youssef Seddik.

Soulignant l’attrait victimaire des sociétés arabo-musulmanes envers elles-mêmes, Youssef Seddik a également expliqué que « Nous sommes toujours en attente de cette solidarité des pensées. Nos penseurs, quand bien même ils déploieraient des performances académiques louables et novatrices, s’y tiennent comme à l’intérieur d’une coquille ou d’une carapace. Parfois d’une armure pour partir en guerre contre une pensée voisine dont il craint qu’elle lui fasse de l’ombre. Quelle autre pensée notoire a rejoint des intelligences aussi singulières, solitaires et meurtries que celles de l’Algérien Malek Bennabi, du Soudanais Mohamed Mahmoud Taha ou de l’Égyptien Hamed Nasr Abou Zid ? »

Par ailleurs, l’échec des réformateurs à l’image de Mohamed Arkoun face aux prédicateurs fondamentalistes est décisif, « la plupart de ceux qui prétendent s’opposer aux pontes du Vieux Monde ignorent tout de leur savoir et de leur stratégie de recruter et de convaincre, de leur complicité avec les pouvoirs en place, de leur diabolique capacité à faire chanter ces pouvoirs en les menaçant à chaque fois de l’inextricable chaos qui les attend s’ils s’avisent de mettre en danger le statu quo religieux », a-t-il affirmé

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