«Il est un fait que la langue du Hirak c’est bien la darija» (Abdou Elimam, neurolinguiste)
Pour Abdou Elimam, neurolinguiste et professeur des universités à la Sorbonne, le Hirak du 22 févier 2019 s’est exprimé dans la rue par la daridja, « il est un fait que la langue du Hirak (slogans, chants, commentaires), c’est bien la darija », a-t-il souligné dans un entretien accordé au quotidien algérien Liberté.
Assurant que la daridja a toujours joui de son statut consensuel, Abdou Elimam a indiqué que « nous avons des traces qui remontent au VIIIe siècle (avant J.-C.) attestant de la pratique de cette langue. Ce qui veut dire que les populations autochtones d’alors parlaient – ou tout au moins comprenaient – cette langue. Et puis, pour qu’une langue pénètre les entrailles d’une société aussi complexe que la nôtre, c’est qu’il en a fallu du temps et, surtout, de l’adhésion spontanée, voire naturelle. »
Dans le même sillage des langues d’expression du Hirak, Elimam a expliqué que ce dernier n’a fait que dévoiler ce qui a été longtemps victime du silence et du borouillage des idéologies. Le Hirak « n’a fait que remonter en surface un refoulé porté par des idéologues en rupture de ban : la darija est bien loin de s’effondrer ; c’est même le contraire que l’on observe. Ces sorties hebdomadaires ne pouvaient malheureusement pas laisser place à la poésie, à la belle prose et aux textes des anciens. Est-ce que l’on réalise que nous marchons sur mille ans de littérature en darija ? Une littérature millénaire boudée par les dirigeants et les institutions nationales : voilà une situation inouïe et pourtant véridique ! », a-t-il expliqué.
Pour rappel, Abdou Elimam a travaillé pendant de longues années sur la nécessité de l’investissement culturel, artistique et universitaire dans les langues locales, notamment le berbère et la daridja, ou ce qu’il appelle maghribi, ainsi que leur officialisation inconditionnelle. Il a également publié aux éditions Frantz Fanon un ouvrage intitulé Après tamazight, la daridja.