« J’ai voulu faire autre chose, écrire quelque chose de nouveau » (Lamine Benallou, écrivain)

Les vies (multiples) d’Adam est un roman qui a du souffle et qui donne des sueurs, parfois froides. Empruntant des voies d’écriture souterraines, il nous plonge dans les bas-fonds d’une étrange mais belle humanité. D’une fécondité poétique et philosophique rare, ce roman suscite des cascades de questionnements et des torrents d’émotion. À lire sans modération. Lamine Benallou en donne un petit aperçu dans cette interview.

Votre roman Les vies (multiples) d’Adam est très bien accueilli par le public. Certains universitaires le qualifient déjà de « livre-événement». Comment vous est venue l’idée de ce roman époustouflant ?

Je ne sais pas si c’est un « livre événement », ce que je sais c’est que j’ai voulu faire autre chose, écrire quelque chose de nouveau dans la littérature algérienne. Écrire sur les mots, l’écriture, sur le pouvoir de la littérature. M’inscrire un peu dans l’universel, dans un monde baroque, alliant le réel et le fantastique, un labyrinthe magique, des voyages dans le temps, des rencontres avec des personnages d’un autre siècle : dans ce roman, tout concourt à ce mélange étrange, détonnant et déroutant.

Votre personnage principal, Adam, aime son épouse au-delà de tout entendement à tel point que, ne voulant pas se séparer d’elle, même morte, il l’a congelée dans un frigidaire et continue à vivre comme si elle était toujours là. Mais il va vite tomber sur son journal intime et suspecter une trahison, ce qui va le chambouler profondément. La mort est-elle moins dure à supporter que la trahison ?

Le personnage principal, Adam, est justement hanté par ces petits cahiers qui vont chambouler complètement sa vie, il va perdre ses repères, partagé entre l’amour incommensurable qu’il porte à sa femme et sa « trahison » dont il doute encore, car les cahiers ne portent que des initiales: de la fiction? Un journal ? Un dilemme où l’amour finira par triompher car, durant toutes les apparitions fantomatiques de sa femme, on voit bien qu’il continue de l’aimer.

Le roman raconte 40 jours dans la vie d’Adam et chaque jour est raconté dans un chapitre. Pourquoi quarante jours, ni plus, ni moins ? Est-ce une référence au rituel de la mort chez les juifs et les musulmans ?

Oui, tout à fait, la symbolique des 40 jours de la religion hébraïque et musulmane est très présente… Les 40 jours sont cet état intermédiaire entre la vie et la mort, où les morts sont encore parmi nous parce qu’ils ont encore des choses à nous dire, et qu’on appelle « le Barzakh ». Amina est encore présente. Et ce sont ces 40 jours qui vont être un élément fondamental dans la vie d’Adam et sa transformation progressive, dans ses « vies multiples »…

Il y a dans Les vies (multiples) d’Adam une mise en abyme vertigineuse mais qui ne perturbe nullement la fluidité de la narration tant l’émotion que procure votre texte et sa musicalité sont fortes. Cette façon d’écrire nous fait penser tout à la fois à Miguel de Cervantès, aux Mille et Une Nuits, à Jorge Luis Borges, à José Saramango et, enfin, à Fernando Pessoa et Gabriel Garcia Marquez… Quels sont en vérité les matériaux de votre écriture ? Votre vie personnelle, votre histoire, vos lectures ou simplement votre imagination ?

Je suis heureux que vous citiez Cervantès, Borges ou García Marquez, car étant hispanisant, j’ai été nourri par ces lectures, ainsi que par les contes des Mille et une nuits: une merveille. Mes lectures ont été pour beaucoup dans le processus créatif de mon roman. Je pense qu’on ne peut pas écrire si l’on ne lit pas… Et je suis un grand lecteur de Saramago, de Pessoa, du réalisme fantastique si cher aux écrivains latino-américains. Ensuite, c’est la fiction, l’imagination, la créativité qui prend le relais.

Le lancement de votre roman au Théâtre Régional d’Oran a été un franc succès. Un public à la fois nombreux, beau, intéressé et réactif. Quel a été votre sentiment face à ces belles retrouvailles avec votre ville natale pour parler d’un livre, votre livre ?

Un grand, un immense bonheur que de revoir Oran dont je suis un fervent amoureux, et mes amis oranais que je n’ai pas revu pour certains depuis plus de trois ans : des amis d’enfance, mes collègues de l’université d’Oran… D’ailleurs, je n’ai même pas pu assister à l’enterrement de ma mère décédée en 2020. Je n’ai pu m’incliner et me recueillir sur sa tombe qu’à mon arrivée ce vendredi… Oui, l’accueil était chaleureux et les opinions sur le roman étaient unanimes… Je les en remercie tous…

Lamine Benallou, Les vies (multiples) d’Adam, Algérie, éditions Frantz Fanon, 2022; 362 pages, 1000 DA.

Lamine Benallou, en tournée promotionnelle de son roman en Algérie, va signer Les vies (multiples) d’Adam:

-Le jeudi 27 octobre à la librairie du Tiers-Monde à Alger à partir de 14h00

-Le samedi 05 novembre à la librairie Cheikh de Tizi-Ouzou à partir de 13h30

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