Langue et théâtre, une question d’intimité
Dans une interview qu’il a accordée à Algérie Cultures, Sidahmed Sahla, dramaturge algérien, a vivement insisté sur la question de la langue dans la production théâtrale. Selon lui, celle-ci doit être la langue de tous les jours, la langue de la spontanéité, de la quotidienneté, de la vérité, que tout le monde parle, respire. « Quand j’ai commencé à faire du théâtre, je n’avais aucune idée de l’importance de la langue dans le texte. En 1995, grâce à un ami, j’ai rencontré Abdou Elimam, un linguiste qui développait une thèse sur la darija absolument prodigieuse. Un véritable séisme s’est produit en moi. Il parlait du maghribi. Je n’avais jamais entendu parler de cette notion de maghribi. Ses arguments étaient tellement tangibles, tellement puissants que j’ai découvert que les poètes Bensahla, Benkhlouf, Khaldi, s’exprimaient en maghribi. » affirme-t-il en insistant sur la capacité de cette langue, communément appelée « l’arabe algérien » ou « daridja » à dire les profondeurs, l’intimité d’une bonne partie de la société algérienne.
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Pour Sahla en effet, le maghribi est une « une langue qui nourrit une partie de la population nationale et son imaginaire depuis des siècles » et, à ce titre, il a une épaisseur historique et un patrimoine émotionnel qui lui permet de décrire les situations les plus complexes avec les mots les plus frappants, les plus émouvants. Par conséquent, Sid Ahmed Sahla considère que même si le français et l’arabe classique peuvent servir le théâtre, celui-ci ne peut s’épanouir que dans les langues maternelles des publics auxquels il s’adresse. « À la fin des années 60, Reda Houhou avait écrit Ançaba, une pièce en fosha. Ça c’est terminé en fiasco. Au même moment, Kateb Yacine présentait une pièce en darija. Grand succès, » raconte-t-il pour illustrer son propos.