Littératures latino-américaines : le cas Gabriel Garcia Marquez (4e partie)

« Chaque chose sur laquelle se posait mon regard faisait naître en moi l’anxiété irrépressible d’écrire pour ne pas mourir. Ce n’était pas la première fois que cette émotion me gagnait, mais ce jour-là je l’associai au souffle de l’inspiration, ce mot abominable mais si juste qui détruit tout sur son passage pour arriver à ses fins. »
Gabriel Garcia Marquez

 

L’écrivain latino-américain qui est considéré, jusqu’à aujourd’hui, comme le plus grand des écrivains est sans conteste Gabriel Garcia Marquez (Colombie, 1927-2014), prix Nobel de littérature 1982. Ce sont les fables épiques, les récits de grand-mères, toutes les sources anecdotiques contenues dans son œuvre qui font de cet écrivain l’un des plus grands romanciers du XXème siècle parce qu’il plonge ses racines dans l’univers encore folklorique (le terme n’est pas péjoratif ici) des entrailles de l’Amérique latine.

Gabriel Garcia Marquez est né le 6 mars 1927 à Aracataca, en Colombie, où il passe une enfance paradisiaque, nous dit-il. Ce village deviendra Macondo dont les habitants forment la trame de la majorité de son œuvre publiée. Journaliste, scénariste pour le cinéma, il a beaucoup voyagé et a habité à la fin de sa vie entre le Mexique et Cuba. Considéré comme un chef d’œuvre de la littérature mondiale, Cent ans de solitude (1967), se raconte difficilement tant l’action est vaste, les péripéties nombreuses et l’irréel présent.

C’est l’histoire d’une famille, hantée par l’inceste, qui a été sanctionnée par un enfant à queue de cochon. L’histoire de la dynastie des Buendia est indissolublement liée à la chronique mythologique de Macondo. Le fondateur du village, José Arcadio Buendia, transmet à toute sa lignée son imagination débordante, son sens de la démesure, ses délires inventifs. Chaque membre de la famille Buendia ajoute sa part de solitude personnelle à l’héritage de José Arcadio, mais chacun semble également réincarner un lointain ancêtre. Tandis que naissent et meurent les Buendia, Macondo se peuple, grandit, s’enrichit, se ruine et disparaît. On y devine la présence du colosse américain du nord mais on y voit aussi des spectres. Le temps se referme sur lui-même et s’inverse. Cent ans de solitude réinterprète à sa façon le mythe de l’âge d’or. Sur le ton du conte allégorique, Gabriel Garcia Marquez a réussi, dans cette fresque baroque, grouillante de vie et de chaleur, cocasse souvent par l’universalité des personnages et des situations, le Roman total que recherchent beaucoup d’écrivains du monde entier.

Avec Cent ans de solitude, Gabriel Garcia Marquez a connu un succès commercial planétaire et la photo de ses moustaches exposée dans toutes les librairies du globe. Après Cent ans de solitude, le géant latino-américain a publié L’automne du patriarche, L’amour aux temps du choléra, Le général dans son labyrinthe, L’incroyable et triste histoire de la candide Eréndira et de sa grand-mère diabolique, Récit d’un naufragé et de bien d’autres chefs-d’œuvre. Le seul Cent ans de solitude a été traduit dans une cinquantaine de langues et vendu à plus de quarante-cinq millions d’exemplaires.

Gabriel Garcia Marquez fait partie de cette grande vague du roman latino-américain, qui s’est située aux environs du début des années 1960 et qui a constitué un phénomène particulier dont il serait intéressant de cerner les contours. Il correspond à la fuite des écrivains latino-américains, chassés de leurs pays ou obligés de s’exiler dans d’autres pays du continent ou plus souvent en Europe — à Paris ou à Madrid pour l’essentiel.

L’existence d’une littérature sud-américaine, une des plus jeunes sinon la plus jeune des littératures du monde, est d’autant plus indubitable que les écrivains de ces pays attachent une importance capitale au rayonnement de leur culture à travers le globe. La singularité de l’Amérique latine est celle d’un ensemble d’une vingtaine de pays aux liens historiques, linguistiques, sociaux et culturels très étroits, unis par un sous-développement tenace, l’exploitation, l’analphabétisme et la misère. L’œuvre des grands écrivains — et Pablo Neruda, Alejo Carpentier, Carlos Fuentes, Ernesto Sabato, Miguel Angel Asturias, Jorge Luis Borges et Julio Cortázar peuvent se placer parmi ceux qui marqueront le XXème siècle — est enracinée dans une réalité complexe où se côtoient, se croisent et s’enchevêtrent les traditions amérindiennes et celles importées du Vieux-Continent.

Ce double héritage, sud-américain et européen, nous a donné une grande littérature bidimensionnelle à tendance latino-américaine antirationnelle et à orientation européenne cartésienne.

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