« Ni l’Emir Abdelkader, ni Ibn Badis n’ont été des traîtres », (Lahouari Addi, sociologue)
Suite à la polémique lancée par le fils du colonel Amirouche, Noureddine Ait Hamouda, qui a qualifié l’Emir Abdelkader, Messali El Hadj et Houari Boumediène de « traîtres », le sociologue algérien Lahouari Addi n’a pas manqué de souligner « la stérilité » de cette question. « Une polémique aussi stérile qu’indigne a été lancée par Noreddine Ait Hamouda récemment au sujet de l’Emir Abdelkader, et aussi de leaders nationalistes originaires de l’Oranie », a-t-il expliqué.
En effet, revenant sur la figure de l’Emir Abdelkader, l’auteur du nationalisme arabe radical et l’islam politique : produits contradictoires de la modernité a rappelé que cette personnalité historique « a combattu l’armée française pendant dix-sept ans à l’issue desquelles il a été battu militairement. Il a cessé le combat et, malgré des offres de postes et de titres de la part des autorités coloniales, il a préféré partir en exil en Syrie, souhaitant être enterré à côté de son maître spirituel, Ibn ‘Arabi. »
Estimant que « l’échec de l’Emir Abdelkader est dû en partie à l’absence de la conscience nationale qui naîtra qu’au début du XXe siècle », Lahouari Addi a également souligné que l’avancée économique, politique, scientifique et militaire de la France sur le Maghreb en général était significative dans la mesure où le rapport de force entre colonisé et colonisateur ne donnait aucune chance de succès aux insurrections.
Par ailleurs, le sociologue algérien s’est penché sur « une autre figure du nationalisme […] critiquée par certaines voix. » Il s’agit du Cheikh Ibn Badis « qui a avait compris que l’Europe était trop en avance sur l’Algérie pour espérer à une victoire militaire à la suite d’insurrections », a-t-il tenu d’expliquer, ajoutant « Ibn Badis avait même revendiqué la citoyenneté française (jansiya siyassya) pour permettre aux Algériens de revendiquer leur identité (jansiyya qawmiya) à travers l’islam et la langue arabe. Il aurait pu ajouter la langue amazighe à laquelle il n’était pas opposé. »
En guise de conclusion Lahouari Addi a estimé que « ni l’Emir, ni Ibn Badis n’ont été des traitres. » « Ce sont des personnalités de la conscience nationale naissante qu’il faut mettre dans leur contexte historique. En tout cas, ils avaient compris une chose que des dirigeants actuels n’ont pas saisi : le retard de l’Algérie sur l’Europe est d’abord intellectuel, ensuite économique et militaire. Si on ne prend pas conscience de la nature de ce retard, il n’y aura aucune chance de le rattraper », a-t-il rappelé.