« Wallada, la dernière andalouse » de Sidali Kouidri Filali : un roman historique

Au-delà de la figure rebelle de Wallada Bent al Mostakfi, la cordouane (1001-1091), cette poétesse andalouse du XIe siècle, ce roman, historique de Sidali Kouidri Filali, (un premier roman et un coup de maître), est une fresque romanesque des personnages de cette époque qui gravitent tous autour de ce personnage : d’abord son amant Ibn Zaydoun (1003-1071), et leurs amours tumultueuses ; un autre personnage politique, qui a joué un rôle fondamental en Al Andalus, le poète, écrivain, lexicographe, chef militaire juif, le « naghid » Samuel ibn Negrella (993-1055) qui fut vizir du Sultan Badis de Granada ; Zawi Ibn Ziri qui fut le fondateur de la dynastie ziride de Granada, où il règne entre 1012 et 1019 ; Abou Marwan Ibn Hayane, historien, et une des principales sources pour l’étude de la fin de la dynastie Amiri (qui a conduit à la chute du Califat de Cordoue et a marqué le début des royaumes de taïfas), et défenseur de la dynastie omeyyade, déplorant sa chute et la rupture conséquente avec le centralisme andalou… et encore d’autres figures qui ont joué un rôle prépondérant en Al Andalus.

De nombreux personnages illustres qu’a connus Al Andalus sont cités, les guerres de pouvoir et de succession qui ont précipité la chute des rois, la présence importante des berbères, qui confirme, si besoin est, que, plus qu’arabe, cette Andalousie fut berbère également, et que les tensions existaient déjà entre les deux ethnies.

L’auteur met en valeur cet endroit mythique, magique, d’une époque et d’un temps ou les religions pouvaient coexister en paix, ou du moins se tolérer.

On y découvre des hommes de lettres au destin parfois tragique, un type de féminisme avant l’heure qui a vu le jour des siècles avant notre ère avec cette princesse au nom chargé d’histoire, Wallada, et de ses poèmes érotiques échangés avec son amant Ibn Zaydoun, une histoire d’amour immortelle digne de Qaïs wa Leïla, Roméo et Juliette ou le Fou d’Elsa.

Les luttes palatines, les guerres fratricides entre les Royaumes de taifas ou contre l’ennemi chrétien.

Un voyage dans le temps et l’espace où les trois villes mythiques d’Al Andalus renaissent et sont bien présentes pour le plaisir du lecteur : Córdoba, Sevilla et Granada.

L’auteur peint la vie des protagonistes politiques de ces villes chargées d’histoire dans des chapitres alternant les descriptions et des évènements historiques riches et passionnants.

On pourra reprocher à l’auteur de ce roman fascinant de ne pas présenter et donner assez de détails sur l’identité des personnages, et que le lecteur soit un peu déstabilisé par des noms qui peuvent lui être inconnus, quoiqu’il s’agisse aussi de l’objectif d’un roman historique : nous plonger dans une époque et des acteurs illustres d’un moment resté dans la postérité.

Relevons aussi l’uniformisation dans la transcription des noms des personnages, ce qui est un « casse-tête » même pour les historiens.

J’ai été, quant à moi, porté par la trame de ce roman et la richesse des faits racontés. J’ajouterai également que j’ai beaucoup apprécié le fait que chaque chapitre s’ouvre avec un petit poème de Wallada, Ibn Hazm, Ibn Gabirol, Ibn Nagrella, Ibn Khafadja ou encore Ibn Zaydoun.

Un roman à lire pour tous les amoureux de cette époque sublime où « Qurtuba » était le centre du monde, et pour ceux qui veulent connaître un peu mieux « Al Andalus. »

Un roman d’un passionné d’histoire, où l’on perçoit un écrivain mature, et l’imminence d’une grande œuvre.

Kouidri Filali, Sidali, « Wallada, la dernière andalouse ». Roman. Ed. Hedna, 2021.  255 p.

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