Le panamazighisme : la fin d’un fantasme idéologique
La panamazighité est considérée aujourd’hui comme étant l’horizon le plus souhaitable pour l’Algérie par certains, l’unique horizon possible par d’autres, et une perspective à éviter à tout prix par une troisième catégorie. Pourtant, historiquement, l’Algérie est un espace où se sont rencontrées et fécondées mutuellement plusieurs races, cultures, langues et croyances. L’Algérie et, plus globalement l’Afrique du nord, était amazighe mais elle ne l’est plus totalement aujourd’hui. Le substrat amazigh, plusieurs fois millénaire, a certes pu survivre à toutes les tempêtes historiques ayant dévasté le sous-continent nord-africain et pu maintenir intact, grâce à l’oralité, un certain continuum qui peut aujourd’hui constituer une force fédératrice de toutes les appartenances qui peuvent être revendiquées par les Algériens de nos jours. Dans l’absolu, une telle perspective peut sembler souhaitable et réalisable, du moins pour certains. Mais, dans les faits, la situation est plus délicate. Car, à l’évidence, si l’oralité à réussi le pari de la transmission des traditions et du patrimoine amazighs, elle a échoué celui de la construction d’un référent identitaire commun et suffisamment fort dans lequel se reconnaitraient tous les Algériens. Il est indéniable aujourd’hui que l’amazighité tant chantée ici et là ne constitue plus un fait culturel homogène, les Kabyles, les Touareg, les Mozabites, les Chaouis se distinguant les uns des autres par bien des aspects qui dépassent de très loin la seule question de la langue. Sans oublier les millions d’Algériens dont la langue est derdja, qui partage certes moult lexiques avec tamazight, mais n’en demeure pas point une langue à part. En effet, en plus des différences linguistiques qui existent entre les différents parlers amazighs, il est plus qu’hasardeux de parler d’une histoire commune à tous les Amazighs d’Afrique du Nord, les différentes communautés amazighes ayant évolué historiquement, et ceci depuis au moins le haut Moyen-âge, en quasi autarcie sans maintenir le moindre lien notable entre elles. Cette réalité historique fait que même les imaginaires de ces mêmes communautés amazighes se sont constitués dans une sorte de huis-clos qui fait que, en dehors des rois numides qui représentent des icones pour tous les Amazighs d’Algérie, il n’existe aucun héros qui occupe également les imaginaires kabyle, chaoui, touareg et mozabite. La fragmentation de l’imaginaire amazigh est aujourd’hui un fait indéniable et les prophéties panamazighistes de certains esprits nostalgiques des temps immémoriaux de Massinissa, de Jugurtha et de Dihia peuvent parfois interpeller, notamment à l’occasion des différentes crises identitaires qui secouent le pays ou à l’occasion d’un événement majeur aux relents identitaires comme le 20 Avril, Yennayer, la décès d’une grande personnalité amazighe, etc., mais elles ne pourraient jamais ruser avec l’Histoire et la sociologie qui, elles, n’obéissent pas aux fantasmes idéologique, à moins que l’on veuille les faire accoucher d’un monstre. Ceci dit, une question d’une importance capitale se pose : Comment concevoir l’amazighité de l’Algérie ? Comment envisager sa survie à coté la culture populaire véhiculée par la derdja ? L’amazighité, comme son histoire, est plurielle ; il est inconcevable d’enfermer la richesse culturelle et civilisationanelle du monde amazigh dans un monolithisme qui donnerait une apparence politique d’unité de ce monde certes mais qui le tuerait dans la réalité. En concédant à tamazight le statut de langue nationale et officielle, l’État algérien a procédé selon son vieux reflexe uniciste et unanimiste. Après avoir été « tous arabes », on est maintenant « tous amazighs », ce qui ne correspond ni à l’histoire ni à la sociologie de l’Algérie. Cette vision faussement unificatrice est dangereuse parce qu’elle alimente, souterrainement, les prétentions hégémoniques de chaque communauté et rend le dialogue, l’échange et la communion entre elles difficiles, voire impossibles. Or, tous les Algériens, individuellement et collectivement, doivent disposer de la liberté totale de se définir par rapport à leur passé, leur présent et à leur avenir et c’est cette liberté, garantie par un État démocratique, qui permettra à l’Algérie de se réconcilier avec son histoire multimillénaire et ses identités plurielles. Plus concrètement, seule une reconfiguration radicale sur la base d’autonomies régionales aussi bien linguistiques, culturelles et politiques peut permettre des retrouvailles heureuses de l’Algérie avec elle-même. La reconnaissance de la derdja et des différents parlers amazighs spécifiques aux régions est, de mon point de vue, la voie la plus indiquée pour permettre à toutes les langues algériennes d’être premières langues officielles pour leurs locuteurs naturels et, ainsi, être des mobiles d’épanouissement culturel au lieux d’être des motifs de discorde.
Il semble que l’enseignement de tamaghiz est un échec. Quelle est ton appréciation ? Je te trouve très courageux sur cette question très sensible qui a été malheusement manipulée par des gpes politiques ss scrupules.
Bonne continuation
Rachid
L’article occulte l’histoire de l’unité algerienne affirmer à l’époque coloniale et confirmée par la résistance à la colonisation et l’eveil du nationalisme populaire. Encore un fantasme ideologique.
Joli article.
C’est ce que j’ai toujours pensé. En Algérie, il n’y a pas de crise identitaire mais crise d’investissement dans l’identité.