Les gloires de l’ignorance
Sermon contre science. Prêche contre connaissance. Prédication contre érudition. À présent, tous les prêcheurs adoubés dament le pion aux scientifiques boudés. Ils savent qu’ils sont, soudainement, rendus plus importants. Plus décisionnaires, plus visionnaires, plus sagaces, plus clairvoyants, et irrévocablement plus intelligents. Par la grâce de sa sérénissime dame Incompétence. Juchée, du jour au lendemain, sur le trône gluant de l’inconséquence. Les prêcheurs béatifiés se mettent alors à bomber tapageusement le torse de la méconnaissance. Exhibant ostensiblement les biceps courbes de l’ignorance. En claironnant bruyamment les vertus de l’insignifiance. Et prenant goût à l’exhibitionnisme, béni par une sinistre engeance, ils ne veulent plus s’arrêter en si bon chemin. Puisqu’on leur a dit qu’une seule de leur sentence prime sur toutes les recommandations de la science. Ils mettent alors du zèle à l’ouvrage. Après une incitation appuyée à l’égorgement du quadrupède, sous une chape d’effroi, ils se tournent vers le sort des bipèdes au creux du désarroi. Réclamant la réouverture immédiate de tous les prêchoirs. Appelant à la multiplication des rassemblements. Et à la banalisation des regroupements. Tout en martelant que ce privilège est réservé aux hommes uniquement. Les prioirs féminins ne figurent pas dans ce calendrier du recommencement. Il n’est même pas question de faire allusion à leur réapparition dans ces espaces dérobés. Bien à l’abri des démons de la libido prieuse toujours aux aguets. Car une fois que les cohortes de pieuses et de psalmodieuses ont retrouvé les bienfaits de l’enfermement, ils ne doivent plus le quitter. Et même exprimer leur joie de s’y incruster. Définitivement. Les sermonneurs attitrés ont en décidé ainsi. Après avoir tranché pour le mouton, on décide pour la femme. Toute leur vision de cette battante, qui n’arrête pas de sauver l’Algérie, se niche dans ce sinistre rapprochement. Toute leur représentation de ce symbole qui incarne la résilience de la société algérienne se réduit à cet alignement. À cette mitoyenneté de l’espèce ovine et de la gent féminine. À la proximité entre le sacrifice de l’une et la scarification de l’autre. Ignorant totalement l’hymne du grand maître soufi Ibn ‘Arabi qui était persuadé que dans la féminité il existe une part de divinité. Une féminité magnifiée, une féminité glorifiée, une féminité déifiée. Une conception de la féminité inaccessible à l’ignorance crasse de ces diseurs d’insanités. Ces déclamateurs qui n’ont jamais croisé le moindre texte d’Ibn ‘Arabi ou d’Ibn Rochd. Des réciteurs pressés ignorant tout d’Ibn‘Arabi. De celui qui a enseigné le sens de la transcendance durant toute sa vie. Et d’Ibn Rochd qui y a laissé la sienne. Lynché par d’autres prêcheurs et d’autres sermonneurs invétérés. Juste pour avoir organisé un rendez-vous savant entre foi et raison. Entre science et religion. Souhaitant de toutes ses forces voir se célébrer une noce entre rationalité et religiosité. Un mariage qui n’eut jamais lieu. Mais des siècles plus tard, la seconde ferme farouchement les yeux à la première. Au nom d’on ne sait quelle sacralité. Tissée sur les lambeaux épars d’une ignominieuse duplicité, qui brandit la bannière de l’institutionnalisation de la détresse. Poussant le cynisme jusqu’à distribuer Le Livre à des personnels soignants manquant de tout. Les invitant à troquer leur savoir médical contre des psalmodies et des gesticulations orales. Après les avoir outrageusement dépossédé de leur aptitude à gérer les prospectives vitales. Une duplicité portée par des exécutants arborant l’uniforme de représentants célestes mais officiant en qualité de fonctionnaires appliquant des consignes bassement terrestres. Après les moutons et les femmes, ces récitateurs se gardent bien de nous dire ce qu’ils réservent comme supplices aux enfants. À part, aller les étouffer mortellement, en leur déclamant à tue-tête des litanies prétendument anti-sataniques. Prétendant chasser des démons récidivistes de leurs corps outrageusement cadavériques. Car ces prêcheurs qui ne prêchent plus et qui sont payés depuis plusieurs mois pour regarder de loin, se morfondre, des murs pathétiques, se sont tous reconvertis en marchands de versets therapeutiques. En négociants d’aubades méphistophéliques déguisées en sérénades exorcistiques. Des prêcheurs qui ne prêchent plus, depuis longtemps mais qui sont grassement rétribués par le ministère de la foi. Et qui poussent l’outrecuidance de se faire payer également sur la détresse de toutes les âmes aux abois. Toutes ces créatures vulnérables qui succombent à l’infortune de la vie et qui deviennent la proie privilégiée de ces prêcheurs recyclés. Sans foi et sans la moindre appréhension de la loi. Officiant en toute impunité. Malgré plusieurs décès enregistrés. Et malgrè l’interdiction, du bout des lèvres, de leur lugubre commerce d’onomatopées. Et c’est en plein désarroi sociétal qu’on s’evertue à les placer sur un piédestal. Les transformant en sachants à la place des sachants. Les consacrant officiellement comme usurpateurs des prérogatives de la science. Les érigeant institutionnellement en contrefacteurs de connaissances. Les transformant officiellement en distributeurs automatiques de sentences. Et en mandataires certifiés des consciences. Enfonçant encore plus la société dans sa torpeur somnambulique. Et dans l’enchevêtrement inextricable des affres de son inconsistance atavique. Au nom, précisément, d’on ne sait quel héritage sprirituel et de quel patrimoine culturel, ni même de quels repères traditionnels. Car de tout temps, les spiritualités et les culturalités ont fait très bon ménage avec les sciences et les savoirs. Dans les sociétes qui avancent. Car quand les spriritualités, les sciences et les culturalités s’entrelacent avec ferveur, l’esprit lumineux rayonne sur la vie avec bonheur.