« Algérie mon amour », le documentaire qui fait rager les Algériens

Le documentaire sur le Hirak Algérie mon amour de Mustapha Kessous, annoncé depuis plusieurs jours et encensé aussi bien par les médias algériens et français, s’est finalement avéré « une sacrée « profanation de la révolution du 22 février » comme le soulignent des dizaines de milliers de facebookers algériens. Présenté comme « une hymne à la liberté », sa diffusion sur France 5 aujourd’hui a suscité une très large indignation en Algérie qui y voit un travail de « manipulation complètement déconnecté de la réalité du terrain et  qui vise, en plus, à dévoyer la révolution ».  En effet, aussitôt vu, des dizaines de milliers d’internautes se sont mis à exprimer sur la toile leur indignation face « à cette fumisterie dont l’unique objectif est de donner du Hirak un piètre image, discréditer le mouvement révolutionnaire en cours et conforter l’arbitraire ». Aussi bien des personnalités connues de la scène politique culturelle et médiatique que des citoyens anonymes se sont insurgés contre cette  tentative de « profanation de l’une des plus belles révolutions au monde ».

Certains militants, visiblement en colère, ont indexé la France officielle qui aurait, selon eux, commandité ce documentaire pour discréditer le Hirak et protéger le régime algérien. « La France officielle a la trouille devant la détermination du hirak algérien. Elle protège ses disciples au pouvoir, » écrit Moussa Nait Amara. Youghortha Assam, lui, appelle les Algériens à faire leurs propres documentaires sur le Hirak. « Journalistes, écrivains, photographes, vidéastes,…. Montrez vos travaux sur la révolution du sourire, écrivez votre version de ce mouvement… Les autres ne nous veulent pas du bien, » lit-on sur sa page Facebook.  L’écrivain Rachid Oulebsir, quant à lui, considère que les « chaines françaises veulent régler leur compte avec l’Algérie rebelle ». « Cela nous rappelle novembre 1954[…] Les enfants de l’OAS, n’usent plus de leurs mitraillettes , mais d’armes de destruction massive que sont les Télévisions ,» commente-t-il.

D’autre voix se sont élevées pour  souligner la dimension pro-régime algérien du documentaire. « Quand on sait que le système algérien joue sur la question de la souveraineté, le fait même qu’un documentaire sur le Hirak passe sur une chaine française publique est une façon de le soutenir ; ça lui donne des arguments pour accuser le Hirak d’être manipulé par la France, » relève Nasser, une jeune militant d’Alger. Fatah, de son coté, jeune hirakiste de Constantine, écrit : « J’ai fait toutes les marches du Hirak depuis le 22 jusqu’au début du confinement. Je n’ai pas vu la révolution que je mène dans ce documentaire. C’est exactement la révolution dont parlent les badissi-novembrai qui est décrite dans ce documentaire. Conclusion : ce documentaire vise à casser la révolution. » Mhand Amaraouche, professeur des universités et intellectuel connu pour son engament pour les libertés et la démocratie, écrit sans nuances: « Il est certain que le pouvoir algérien est instigateur de l’émission de France 5. Objectif: dévoyer la révolution du peuple. » Hend Sadi, figure emblématique du combat démocratique, universitaire et essayiste, abonde dans le même sens : « Cette émission discrédite totalement ce mouvement du 22 février ».

Pire, certains internautes , au-delà de la dimension politique « perverse » que peut avoir le documentaire de Mustapha Kessous, y  voient un spectacle de médiocrité qui afflige en premier lieu l’auteur. Lylia Berger, poétesse et militante de la diaspora écrit : « Ceux qui vivent le Hirak dans leurs chairs savent que ce n’est pas le Hirak de la Télé. » Dr H’mimi Menasria emets, lui, ce fulgurant coup de gueule: « De la perversion intellectuelle à l’égard d’une jeunesse et d’un mouvement qui n’ont rien à voir avec ce que le réalisateur de ce baratin a essayé de montrer. » Mais la phrase qui revient le plus dans les commentaires formulés sur la blogosphère est  un oxymore fabriqué à partir du titre original du documentaire : À « Algérie mon amour » de Mustapha Kessous, le Hirak répond « Algérie, mon désamour ». Visiblement, si le Hirak est effectivement « une déclaration d’amour à l’Algérie » comme l’a déclaré M. Kessous à Jeune Afrique, son film est perçu comme une véritable déclaration de guerre au Hirak.

La vague d’indignation face à ce film documentaire qualifié tour à tour de « mascarade, «  de viol », de « profanation », de « perversion », «  de manipulation », etc., est d’une ampleur telle qu’il est impossible d’en dessiner les contours, encore moins en déterminer les conséquences à court, à moyen et à long terme sur les films documentaires sur l’Algérie  diffusés par les médias français ainsi que sur les réalisateurs et autres cinéastes franco-algériens qui concourent à ce genre de projets.

Pour rappel, Mustapha Kessous, né en 1979, est un journaliste et écrivain franco-algérien. Il a déjà fait un documentaire, Français d’origine contrôlée, réalisé avec Jean-Thomas Ceccaldi, diffusé sur France 2 le 3 février 2014.

2 thoughts on “« Algérie mon amour », le documentaire qui fait rager les Algériens

  1. Le reportage ne fait que rager les corrompus du régime. La vérité blesse, les algériens veulent l’indépendance et la justice!

  2. A propos de l’émission sur le mouvement citoyen diffusée par la 5.
    Ce reportage a donné lieu à de vives réactions sur les réseaux sociaux.
    Il est vrai que ce reportage sur le mouvement citoyen algérien diffusé par la 5, une chaîne française, à l’heure de grande écoute, est caricatural, mais, je dirai d’emblée que le propre de la caricature est de forcer le trait. (Et puis, dans le domaine de l’information la parodie et la caricature sont des publications les plus pénétrantes, par conséquent, les plus sujettes à polémique).
    Il est vrai aussi que ce reportage à présenté ce mouvement sous un certain « angle bien déterminé ». C’est le choix du réalisateur. C’est un choix réducteur diront, à juste titre, certains qui argueront que le mouvement est pluriel autant que l’est l’Algérie, il est divers et diversifiés autant que l’est la société. Il porte en son sein l’ensemble des courants qui expriment la pluralité de cette société…
    Exact !
    Cependant,
    Et d’une, nonobstant la volonté de faire fi des choix idéologiques, aucun reporter, aussi grand soit-il, ne peut saisir la pluralité du mouvement citoyen dans sa globalité dans un reportage aussi long soit-il. (Seraient réalisables autant de reportages que de faisceaux et de visions qui traversent le mouvement.)
    Et de deux, dans le domaine de l’expression, de l’information et de l’art, le citoyen, le journaliste, le cinéaste… et l’artiste en général, sont libres d’opérer des choix, de présenter ce que bon leur semble et sous la forme qui leur paraît la plus adéquate.
    Et de trois, le réalisateur du reportage en question à fait son choix : il a le mérite de montrer, en la caricaturant un peu trop , une des multiples facettes de la société. Et pas n’importe laquelle ! Une facette que d’aucuns, aux noms de la morale religieuse et des traditions sociétales, se refusent de voir. Il met en scène, « de manière éhontés pour beaucoup » une frange de jeunes qui aspire à vivre librement, autrement, différemment chez eux, en Algérie ; une frange de jeunes auxquels certains objecteurs de conscience dénient le droit d’exister.
    Pourtant, ces jeunes sont là, ils existent, ils sont nombreux et ils font partie du « Hirak » !
    Ils luttent, à leur manière, en dehors et dans le hirak, pour imposer la démocratie dans toute sa splendeur, une démocratie qui ne saurait faire l’impasse sur la citoyenneté pleine et entière, sur la liberté, sur l’égalité, sur la nécessité du savoir vivre ensemble dans le respect mutuel.
    En ce sens, le reportage a le mérite de poser le doigt sur une des multiples questions qui fâchent !
    D’où la polémique et les extrapolations que se livrent certains « démocrates » au point d’oublier l’essentiel.
    Sinon ; ces questions fondamentales et qui fâchent, beaucoup nous pressent de les taire encore et toujours au nom d’une vision uniciste du mouvement qui est et qui se veut, pourtant, pluriel.
    Que l’on s’entende bien, mon intervention, ici, va dans les sens du respect des libertés fondamentales, de toutes les libertés, donc de la démocratie pleine et entière où tous les courants trouveront place à leur libre expression.
    Par ailleurs, je comprends parfaitement la caricature, mais je ne défends pas le dévergondage !
    Je le répète encore, dans le domaine de l’information la parodie et la caricature sont des publications les plus pénétrantes, par conséquent, les plus sujettes à polémique.

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