Nous devenons fous
Ces derniers jours, il m’a été difficile d’écrire ou de partager des publications. Difficile d’animer une page culturelle, de parler d’un livre ou des banalités du quotidien lorsque tout autour de nous les choses se dérèglent. Lorsque le monde que nous connaissons devient fou.
Nous avons des problèmes bizarres. Nous parlons du manque d’oxygène et de la rareté de l’eau. Nous parlons des canadairs. Nous parlons des pyromanes. Et nous pleurons nos morts. Nous pleurons un homme assassiné par une foule furieuse sur la base d’un soupçon.
Nous devenons fous…
Ailleurs, autour de nous, en Méditerranée, il y a des incendies. Mais personne ne crie au complot ou aux pyromanes. Peut-être ne fallait-il pas en parler à certains car les idiots ne connaissent pas la présomption ni le doute. Les idiots n’ont que des certitudes, rarement les leurs, souvent celles des autres. Le feu les obnubile et les hurlements les mettent en transe et leur donnent du courage. Le courage des lâches quand ils sont en meute.
Nous devenons fous…
De l’air, nous commencions déjà à en manquer depuis longtemps, l’air qui nous permet de vivre, d’emplir nos poumons et de parler…De crier si nous le voulons.
Nous cherchons des plages invisibles, clandestines pour y plonger nos corps par 43 degrés. Un acte répréhensible, irresponsable, dangereux en ces temps de pandémie. Mais nous le faisons car nous devenons fous.
La nuit ne nous appartient plus. Sortir c’est s’exposer à la pandémie, aux reproches, aux contraventions. Nous faisons semblant d’être encore nous-mêmes, mais nous savons que nous ne le sommes plus car nous devenons fous.
Nous avons des rêves, des rêves en plastique…Des concentrateurs d’oxygène, des citernes, des tuyaux et des sceaux d’eau…
Nous devenons fous…
Mais c’est peut-être une folie passagère, de celles qui s’évaporent et dont il ne reste que des souvenirs. Ce n’est peut-être qu’une mauvaise passe. Les choses vont peut-être changer avec les premières pluies de l’automne, peut-être avant. La vie aura du goût, elle sera plus douce… Nous devons y croire car nous sommes fous.