Un déluge d’hommages à Idir
À l’annonce de sa mort, toute l’Algérie s’est réveillée de la torpeur du confinement et des mauvaises nouvelles qui se succèdent depuis quelques mois pour chanter l’Immortel : Idir. L’enfant d’Ath Yenni, habituellement discret, a vite mobilisé toute la planète qui, dans une unanimité qui restitue tout son honneur et toute sa splendeur à l’art, lui a rendu un dernier hommage, qui en brandissant son portrait, qui en reprenant ses chants, mais tous dans une convivialité qui augure d’une possible communion de notre humanité plurielle dans la musique.
En Algérie, terre blessée et blessante du défunt, les réseaux sociaux, à leur tête Facebook et Twitter, ont été ornés de belles photos du défunt Idir ; son borsalino noir a fait le tour de tous les espaces virtuels. Les journaux électroniques ont vibré de publications en hommage au rossignol de la chanson kabyle.
L’écrivain algérien Yasmina Khadra a intitulé sa publication sur Facebook en hommage à Idir L’envol du rossignol ; il y écrit : « Il s’en est allé sur la pointe des pieds pour ne déranger personne. Il s’est éteint comme un chant d’été à la fin de la colonie […] Idir n’a fait que quitter un exil de la transition pour un exil définitif, puisqu’il a été contraint de quitter sa terre natale pour aller chercher ailleurs l’écho de sa voix, tel un troubadour errant en quête de sa voie. » Lounis Ait Menguellet, ami et complice du défunt, voit dans le départ d’Idir la fin d’une époque : « Coup dur en cette belle matinée de printemps ! Pour moi le départ d’Idir marque la fin d’une époque pour notre chanson. A ma dernière visite, il me disait qu’il était peu probable qu’il monte encore sur scène à cause de sa respiration assistée. »
Une autre figure artistique, française celle-là, rend hommage à Idir en se rappelant de leurs duos ; c’est Maxim La Forestier qui déclare sur les ondes de RFI: « C’était un homme exquis, une sorte de prince parce qu’il régnait quand même sur la chanson kabyle, sans partage quasiment. C’était un grand mec ».Sur la même station radio, la vedette ivoirienne de la chanson reggae Tiken Jah Fakoly ajoute à propos de son invitation par Idir pour chanter sous ses titres que : « C’était vraiment un grand honneur pour moi. »
Marcel Khalife quant à lui, immense figure de la chanson engagée dans tout le monde arabe, a rappelé sa rencontré avec Idir lors de sa première tournée musicale en Algérie où il a chanté avec lui la liberté et l’homme. « C’est en Algérie, terre d’accueil pour ma première tournée musicale, que j’ai rencontré IDIR. On a joué ensemble à l’unisson, en polyphonie, en accord ou en rupture avec l’harmonie et le contrepoint. Les cordes se sont accordées pour chanter la liberté, l’amour et les hommes. Idir nous a quitté à 70 ans. Paix à son Âme! » écrit-il sur sa page Facebook.
Mais les hommages à l’icône de la chanson algérienne et porte-drapeau de la culture berbère dans toute sa diversité n’ont pas uniquement été l’apanage des artistes. L’actuel entraineur du club espagnol Real Madrid et l’ancien joueur de la sélection française Zinédine Zidane a à son tour écrit sur son compte Instagram : «Triste nouvelle aujourd’hui, nous venons d’apprendre la disparition d’un Homme que nous aimons profondément, un homme courageux et un exemple ! Tu as marqué mon enfance en Famille. Je n’oublierai jamais notre rencontre. Repose en paix. »
Les hommes politiques français et algériens ont, de leur part, été surpris en apprenant la nouvelle de la mort d’Idir. Anne Hidalgo, Maire de Paris, lui a rendu chaleureux hommage sur Twitter. Pour elle, « son engagement humaniste, son engagement pour la culture kabyle resteront dans les cœurs. Sa voix magnifique résonnera longtemps à l’Hôtel de ville où si souvent, nous avons ensemble célébré le nouvel an berbère. »
Said Sadi, figure emblématique du combat démocratique en Afrique du Nord et ami d’Idir s’est, lui aussi, incliné à la mémoire de ce« frère qui s’en est allé » : « Voilà Hamid. Le talent de l’immense chanteur n’a jamais absorbé l’humilité de l’Homme, la fidélité de l’ami et le devoir du citoyen. Convaincu mais jamais rigide. Il était la permanence de l’engagement apaisé. Il était la figure emblématique de notre combat. »
Du coté officiel, le chef d’État algérien, Abdelmadjid Tebboune, surpris et affecté par la mort d’Idir, a écrit sur son Twitter : « J’ai appris avec une immense tristesse la nouvelle du décès d’Idir, une icône de l’art algérien ». Le président français Emmanuel Macron a, lui, salué cette « voix unique s’est éteinte ». « Idir chantait ses racines kabyles avec la mélancolie d’un exilé et la fraternité des peuples avec les espoirs d’un humaniste. La poésie de ses chansons continuera longtemps de résonner d’une rive à l’autre de la Méditerranée, » écrit-t-il dans un tweet.
Lire aussi: Idir, notre père « à tous » tire sa révérence
Un déluge d’hommages a marqué ce triste événement qui signe la fin d’une époque et le début d’une nouvelle ère pour la chanson algérienne et les métissages culturels dans le monde. Bien d’autres figures artistiques et politiques, des médias et des institutions de dimension mondiale ont salué en Idir « le grand humaniste » qui a œuvré, sa vie durant, pour l’épanouissement de sa culture berbère et son ouverture sur les autres cultures par l’échange, le dialogue et la recherche commune du beau. C’est le message qui a été lancé entre autres par l’UNESCO qui a considéré Idir comme « l’ambassadeur de la culture kabyle » et un des piliers du dialogue des cultures dans le monde.
Ces réactions, enregistrées la journée suivant le décès d’Idir, loin d’êtres de banals expressions de condoléances, témoignent d’une reconnaissance solennelle et d’une admiration franche envers un homme qui a merveilleusement porté sa culture d’origine à l’universalité et su dresser des ponts entre les différentes cultures du monde à travers le divin art qu’est la musique.