Abane Ramdane, l’homme qui a osé le changement

Au cœur des événements du 8 mai 1945 qui ont ébranlé la conscience politique d’une grande majorité des étudiants et nationalistes algériens, Abane Ramdane a abandonné ses fonctions de secrétaire du PPA au niveau de la commune mixte de Châteaudun du Rhummel, actuelle Chelghoum El Aid dans la Wilaya de Mila.

Son entrée en clandestinité au sein du PPA-MTLD l’a désignée comme chef de Wilaya dans la région de Sétif puis dans l’Oranie. Emprisonné par la police coloniale pour le fameux « complot de l’OS », Abane Ramdane entame une grève de la faim pour se voir libéré en 1955. Son influence dans le mouvement national l’a conduit à l’inévitable structuration de la révolution algérienne, où l’esprit militariste qui s’est voulu le seul héritier de l’Algérie atteignait des élans inimaginables. Ce fut ainsi le Congrès de la Soummam du 20 août 1956. Ce dernier, par la grande contribution d’Abane Ramdane, est une pierre angulaire de l’édifice de l’Algérie combattante qui a balisé le chemin menant à la restauration de la souveraineté nationale et indiqué la marche à suivre pour une Algérie future, à travers « la primauté du civil sur le militaire et de l’intérieur sur l’extérieur. » Démarche que la politique algérienne depuis 1962 a liquidée après la mort de son architecte.

Abane Ramdane rêvait ainsi d’une Algérie algérienne, ni inféodée au Caire, ni à Moscou. Ce qui lui a valu l’hostilité de ces deux pays et des partisans des idéologies dont ils faisaient la promotion : l’arabo-islamisme et le conservatisme de gauche. L’analyse de Saïd Sadi explique l’avortement du projet de la Soummam par ce qu’il appelle le « premier coup d’état contre l’Algérie » qui a eu lieu en août 1957, une année après la tenue du Congrès de le Soummam, au Caire (Egypte). Ceci concerne les pressions exercées par Djamel Abdel-Nasser, via Fethi Dib, patron des services secrets à l’époque, sur celui qui allait devenir le premier président de la République algérienne, Ahmed Ben Bella. En effet, selon M. Sadi, les premiers complots menés  contre le projet soummamien ont été l’œuvre de Ben Bella « les attaques de Ben Bella, qui revendiquaient ouvertement son appartenance au courant arabo-musulman, ont coûté l’isolement d’Abane. Néanmoins, à travers celui-ci, ce fut le projet de le Soummam qui était réellement visé », estime-t-il, concluant que « la bataille entre les malgaches (anciens de MALG) et le message de la Soummam se poursuivront jusqu’au jour où l’Algérie pourra se relever. »

Dans ce sens, l’ancien malgache Dahou Ouled Kablia a révélé dans son dernier ouvrage Boussouf et le MALG, la face cachée de la révolution, que Abdelhafid Boussouf était responsable de la mort d’Abane Ramdane. « Il ne fait  pas  de doute  que  la responsabilité matérielle de son assassinat est imputable au colonel Boussouf puisqu’il a eu lieu dans un territoire relevant de sa tutelle et a été exécuté par des hommes requis par ses soins. Boussouf n’a jamais nié les faits ni tenté  de se dédouaner en évoquant des raisons qui auraient pu relativiser son rôle. Ceux qui le connaissent savent bien qu’il n’aurait jamais accompli un geste aussi  grave contre  un dirigeant de l’envergure d’Abane Ramdane, en la présence de deux membres du CCE, sans une décision collégiale qui s’est imposée à lui », écrit-il dans un chapitre consacré à Abane Ramdane et intitulé Un homme, une vision.

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