« Ecrire, c'est réinventer une langue, lui insuffler une âme » (Yasmina Khadra)
Dans une interview accordée au quotidien L’Expression à l’occasion de la parution de son dernier roman intitulé Le sel de tous les oublis, le célèbre écrivain algérien Yasmina Khadra s’est étalé sur certains points quant à la réception de son dernier roman.
Questionné sur le statut de la femme dans son roman et sa condamnation « à être perçues comme diabolique à cause de certaines traditions éculées », Yasmina Khadra n’a pas hésité à s’expliquer en se référant à ses personnages : « À aucun moment de mon roman, je n’ai présenté la femme comme une diablerie incarnée ou une tentation malsaine. Dalal est une épouse qui s’est lassée de n’être qu’une ombre chinoise sur l’écran blanc d’une vie conjugale monotone. Elle a rencontré l’amour ailleurs et a décidé de le suivre. Dalal ne représente qu’elle-même. Et Adem, aussi. Il pensait être à l’abri dans son petit confort de mari, servi, blanchi et bichonné. Il se trompait grossièrement. Le départ, la rupture brutale avec sa femme va l’éveiller à son inconsistance. »
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Pour l’auteur de Les Sirènes de Bagdad, « écrire ne se résume pas en une juxtaposition de vocables savants ou à une histoire qui se raconte sur un ton monocorde. Ecrire, c’est réinventer une langue, lui insuffler une âme, happer le lecteur et le catapulter à travers mille émotions. Pour y parvenir, il faudrait proposer un univers concret, tangible, avec ses odeurs, ses bruissements, son pouls. Tout mon travail s’articule autour de deux éléments: l’atmosphère et le rythme. » Plongé comme à l’accoutumée dans l’atmosphère bellement léthargique de sa terre natale, Yasmina Khadra a insisté sur l’apport de la poésie dans son œuvre : « Quant à la poésie, elle relève de ma sensibilité d’enfant du désert. C’est l’héritage de mes ancêtres, des poètes du monde qui m’ont émerveillé, d’El Moutanabbi à Rimbaud, de Moufdi Zakaria et Alvaro Mutis, d’Al Khalifa à Issa El Jarmouni, car tout me devient musique cosmique lorsqu’une voix chante et fait vibrer mes fibres comme les cordes d’une cithare », a-t-il déclaré avant de poursuivre : « Mon roman pose des questions cruciales et propose quelques leçons de vie. Personnellement, j’ai plus appris avec des inconnus croisés sur mon chemin qu’avec mes proches. »
En connaisseur, conscient et croyant en la religion du rêve, Yasmina Khadra a vivement insisté sur ce dernier en concluant : « Rien ni personne ne nous interdit de rêver, sauf nous-mêmes. Il est des gens, avais-je écrit quelque part, qui, si on venait à étaler sous leurs yeux toutes les splendeurs de la terre, ils n’y verraient que leur propre noirceur. Et d’autres qui font, de toutes les couleurs qu’on leur en fait voir, un arc-en-ciel. C’est à chacun de décider de ce qu’il voudrait faire de sa vie: une joie ou bien une peine. Certes, les vicissitudes seront toujours là, ainsi que les infortunes. »