«Je suis un champ de bataille» au cœur d’une polémique, la préfacière répond
Suite à une mise au point parue (Malentendus et sous-entendus) dans le quotidien Liberté le 20 septembre 2020 au sujet du livre Je suis un champ de bataille de Jean El-Mouhoub Amrouche, publié aux éditions Frantz Fanon où les signataires se soulèvent principalement contre la préface écrite par la philosophe franco-algérienne Seloua Luste Boulbina, cette dernière n’a pas hésité à répondre.
Un tribunal de la raison et de la saison, ainsi la préfacière a-t-elle intitulé sa réponse aux signataires de la pétition qu’elle qualifie « d’aréopage de distingués spécialistes et experts patentés », qui, selon elle, entament « dans Liberté, et par oxymore, une chasse aux sorcières (bon fils vs mauvaise fille) en confondant l’héritage (matériel) qui nous est légué et l’héritage (symbolique) que personne ne peut s’approprier. »
Réagissant à un passage dans lequel elle repère la condamnation et la censure, « Boulbina n’honore pas l’Algérie en déshonorant l’un de ses meilleurs fils », la philosophe souligne que « par ces mots, ils prétendent ainsi incarner (ils sont six…) et le lecteur algérien, et l’Algérie elle-même », « ce jury, telle une magistrature de la pensée, s’arroge ainsi le droit de condamner, c’est-à-dire de censurer, la liberté d’édition et la liberté de penser», a-t-elle écrit.
Adoptant sa posture de philosophe, Seloua Luste Boulbina a rappelé « le procès de Socrate à Athène » en pointant du doigt tous les signataires de la pétition, « Pierre Amrouche, Amin Zaoui, Michel Carassou, Abdelhak Lahlou, Hervé Sanson, Tassadit Yacine répètent aujourd’hui, à Alger, le procès de Socrate à Athènes. On a accusé le philosophe de corrompre la jeunesse (« le lecteur algérien ») et de ne pas honorer les dieux de la cité (les dieux de l’Algérie). Comme l’a souligné ultérieurement Cicéron, à cette époque, « la Grèce avait davantage de tyrans qu’un tyran n’a de gardes du corps ». »
Par ailleurs, la philosophe franco-algérienne estime qu’un livre ne peut jamais appartenir à une personne, ni à un pays. « On peut convoquer tous les témoins de la terre, avec ou sans youyous. Un écrivain n’appartient pas à ses enfants, fussent-ils ayants droit. Une œuvre n’appartient pas à un pays, fût-il l’Algérie. Une œuvre appartient à l’humanité tout entière, c’est-à-dire à personne en particulier », affirme-t-elle dans ce sens.