Le théâtre, otage de l’enfermement, de la corruption et de l’indifférence

Dans une interview qu’il a accordée à Algérie Cultures, le dramaturge Sidahmed Sahla met la lumière sur a situation intenable du 4ème art algérien.  Pour lui, le théâtre algérien d’aujourd’hui « chavire dans un paradoxe qui heurte la raison, dénie la libre pensée et la libre volonté, attributs intrinsèques dans la production de l’art. » Afin de ligoter l’art dramatique, explique-t-il, «l’appareil d’enfermement s’érigea en réseaux et lesta les actants de la scène par l’intéressement, la cooptation et la corruption. » Le peu de productions qui se font sont, poursuit-il, «à  la faveur de l’effort, l’engagement et le talent des  artistes qui s’opposent au quotidien à l’entreprise de dévastation du théâtre. » « C’est grâce aussi à la témérité de certains directeurs de théâtre régionaux qui n’ont pas suivi la centrale du ministère  dans sa politique. Mais c’est surtout grâce au génie des artistes et à leur intégrité, que les opérations abjectes de caporalisation de l’art théâtral menées des années durant, n’ont pas abouties », assure en effet M. Sahla avant d’ajouter : « Contrairement aux fins escomptées par l’appareil d’enfermement, les restrictions budgétaires, les menaces de licenciement, l’isolement social, le chantage au chômage technique ont engendré l’effet inverse chez les artistes […]L’appareil d’enfermement qui compacta son emprise sur le théâtre avait installé les artistes dans la précarité, les dramaturges dans la sécheresse et les directeurs intègres de théâtres régionaux dans l’aléatoire et à la merci de bureaucrates foncièrement adversaire de la culture.»

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En mettant le point sur la rareté des salles du théâtre et leur mauvaise gestion noyée dans la corruption, Sidahmed Sahla fait savoir que les « ordonnances de  récupération  des bâtiments de théâtre dissimilent des actes de détournement » Toutefois, souligne-t-il, « des associations et autres coopératives, sans domiciliation, réalisent de fabuleux spectacles, souvent primées à l’international » car « le théâtre se fait avec des personnes, ce n sont pas les locaux qui font le théâtre ».

Par ailleurs, s’agissant de la promotion du théâtre par la presse culturelle qui est quasiment absente, M. Sahla titre la sonnette d’alarme : « À partir du moment où se lève le rideau sur un œuvre dramatique, sa naissance est actée. Là intervient un incontournable partenaire, la presse. Malheureusement, rares sont  journaux qui donnent périodiquement des comptes-rendus sur l’activité théâtrale. En plus, à part certains rédacteurs de quotidiens compétents et avertis, peu de journalistes maîtrisent les rudiments des techniques et métiers du théâtre.  Ajouté à cela que seuls les spectacles triomphants suscitent l’intérêt de la presse.  Il y va sans dire du mépris et du dédain des medias lourds d’État qui  bannissent depuis des décennies de leurs programmes tout ce qui se rapporte à l’art dramatique. »   

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