De la frilosité culturelle

L’été commence à baisser les paupières. Avant de s’évanoiur. Après avoir embrasé la vie entière. Et donné au supplice pandémique des relents d’enfer. Sans que le moindre frémissement culturel vienne apaiser ou atténuer ce calvaire. Alors que sous d’autres cieux on parle déjà de rentrée littéraire. Avec des centaines de romans déjà sur les étals. Des films, des conférences, des rencontres poétiques et des manifestations artistiques. Des festivals qui se préparent. A un jet de pierre de notre morosité nationale. Une morosité imposée et institutionnalisée. Une morosité entretenue et soutenue. Pour laquelle il existe même un ministère. Supposé être garant de la chose culturelle. Mais qui n’a aucune prégnance réelle. Hormis son périmètre institutionnel. Qui ignore tout de ces milliers de jeunes Algériens qui ont la créativité à fleur de peau. Et l’imaginative en bandoulière. Qui ne demandent qu’à s’objectiver. A s’éclater. Comme ces milliers de manuscrits qui croupissent sous des matelas de poussière. En attendant de voir le jour. Pour livrer le contenu de leur substantifique moelle. Comme ces centaines de tableaux qui n’ont jamais mis les pieds dans une salle d’exposition. Des poèmes, des chansons, des pièces de théâtre et d’autres merveilles de sensibilité sont castrés. Confinés dans le cercle des intimes. Ou livré au carré des infimes.  Des pépites d’imagination qui n’ont jamais franchi la ligne de l’insignifiance officielle. De la culture conventionnelle. Il est vrai que le contexte sanitaire est loin d’exciter la création. Mais il est toujours possible de faire preuve d’imagination. Ne pas oublier surtout qu’il existe d’abord les cultures de la quotidienneté. Les cultures au sens anthropologique du terme, sans lesquelles aucune société ne saurait exister.  C’est en direction de ces cultures qu’il faudrait diriger le regard institutionnel. Sous forme de reconnaissance des formes d’expression culturelles dans leur diversité et leur complexité. Juste un clin d’œil de ces instances institutionnelles, censées leur donner de la visibilité. Car la culture est d’essence sociale et ne saurait se réduire à un segment administratif aride. La culture n’est donc pas l’apanage exclusif du ministère de la culture. Censé élaborer une politique culturelle et initier des programmes globaux, en direction de la société. Les structures institutionnelles ou officielles n’ont pas pour vocation de produire de la culture mais de contribuer à sa visibilisation. A mettre en exergue les formes d’expression culturelles dans leur pluralité. Leur donner de la visibilité dans le sens de leur valorisation et de leur universalisation. Une politique culturelle nationale signifie la connaissance et la valorisation effective des pulsations et des vibrations culturelles qui habitent et qui agitent le corps convulsif de la société algérienne.. Durant longtemps, il y a eu un désintéressement manifeste à l’endroit de ces vibrations. Une béance entre une demande culturelle socialement exprimée et une sorte de volontarisme politique se fixant profusément le nombril. De toute vraisemblance, volontarisme et nombrilisme ont fini par se tenir fermement par la main. Et diriger leur regard ailleurs. Loin des pulsations vibrantes des cultures pétillantes. Ces cultures qui nourrissent l’imaginaire chamarré d’une société irrévocablement vivante.  

 

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