Du désir de dire

 

Après le commerce de la langue, la langue du commerce. Une incongruité drapée de cynisme et emmaillotée de truisme. Le comble de la muflerie, de la goujaterie et de la grossièreté. Erigé en défense de l’identité. Le sempiternel retour aux sources désespérément taries. Par la voie royale des légumes. Et des épluchures lamentablement entassées sur des marchés qui n’ont jamais marché. Et qu’on veut emballer dans une langue affreusement esseulée. Pour commercer en verbe unique. En verbe inique. Jetant l’anathème sur toute autre parole. Criminalisant toute autre élocution. Chassant férocement toute autre expression. Et pourtant la langue est loin d’être menottable, ligotable ou encamisolable. L’échec cuisant de son traitement à la hussarde idéologico-politique a montré, ostensiblement tous les dégâts qui peuvent être infligés à toute une société. D’autres apprentis-commerçants de la langue s’étaient fracassés les dents sur les pavés rugueux de son inexpugnable vivacité. Mais les automatismes calculés ont la dent dure. Et la langue plus que fourchue. Une langue en bois massif, entièrement avarié. Mais qui tient mordicus à l’unicité. Et pourtant les Algériens ont la chance de regarder l’univers à travers une étincelante polychromie. Des fenêtres grandes ouvertes qui donnent sur des horizons en spirales. Un bouquet de langues bourrées de sensibilité, d’affectivité et d’imaginativité. Un imaginaire linguistique palpitant dans un multilinguisme envoutant. Avec une langue algérienne réappropriée. Portée à bout de pétulance par nos jeunes générations. Une parole née au cœur du mal-être. Dans l’incandescence du brasier. Dans les bras du malaise. Dans le giron de l’incertitude. Dans un pays en mal de repères. Et de paroles claires. Des mots nés pour exprimer le désir de vivre. Pour casser les reins des barrières. Et rosser les colonnes vertébrales des serrures.  Ces claustrations élevées sur l’autel de la Bêtise momifiée, officialisée, sacralisée, divinisée. Au cœur de l’ère des mots nouveaux. Au firmament des mots qui tournent le dos aux ellipses arides. Et à l’hypocrisie linguistique décharnée qui n’arrête pas d’avoir irrémédiablement froid au cœur et même aux pieds. Face aux mots enthousiastes qui vont droit à l’essentiel. Et qui expriment leur bonheur d’être prononcés. Par des gens neufs. Des mots portés à bout de cœur par une génération qui n’est pas en manque d’imagination. Qui ne manque pas d’élan. Qui n’est jamais en panne de métaphores. Une génération qui parle à sa société. Une génération qui sait offrir des bouquets de mots à ses quotidiennetés. Comme des bruissements qui chuchotent puis qui valsent. En guise de magnificence du désir de dire. Avec les lèvres et le cœur au vent. Comme une floraison d’étincelles, brandie à la face des éparpilleurs d’opacité. Ces fieffés museleurs. Vigiles de l’énergie mortifère. Tous ces mots vivants, jaillissent des entrailles d’une société qui vibre. Une société qui exprime. Une société qui s’exprime. Une société qui n’a pas honte de s’émerveiller. Une société qui ne répugne pas de s’exclamer. Une société qui refuse de se terrer dans les allusions tortueuses d’un monolinguisme morbide et mortifiant. Une société à l’avenir impatient. Avec toute sa fougue de vouloir-dire. Courtisant éperdument la joie de dire. Celle qui tonne fortement et passionnément. Comme une salve d’enchantements.

 

2 thoughts on “Du désir de dire

  1. Quand on fait l’éloge de la parole claire à coups d’allusions et d’éllipses pas claires du tout …Quand On veut briller en faisant tourner en rond des mots qui chatoient sans rien dire…Ce style a-t’il pour cause la vanité, la peur ou le manque de substance?

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