La science face à la doxa

La démarche scientifique est régie fondamentalement par des lois de démonstration intrinsèques et extrinsèques. Elle déconstruit avec acuité tout ce qui est bâti sur le soupçon et les assises invalides, et elle exige que toute investigation doive être basée sur des fondements épistémologiques et méthodologiques congrus.

Toute recherche se fonde sur deux démarches : l’une interne et l’autre externe. La première est reléguée à la méthode d’analyse (interprétation) qui implique l’exactitude et la précision. La seconde concerne le choix de l’échantillon qui doit obéir à l’austérité technique et scientifique, loin de toute subjectivité. En ce sens, Max Weber (2003) récuse toute intervention de la subjectivité dans une étude scientifique. « C’est dans un intérêt purement scientifique que je récuse cette attitude, je me fais fort d’administrer la preuve partout où l’homme de science intervient sur son propre jugement de valeur, il cesse de comprendre les faits.» Cela explique que l’intervention des jugements peut désorienter la compréhension des faits à examiner.

Les chercheurs affirment que la science est fondée sur la crédibilité et la légitimité. Toutefois, la logique de la doxa ou l’opinion commune échappe à cette véracité et expose les faits à toute forme de rejet et de probabilité. Gaston Bachelard (1938), le premier, qui a récusé l’opinion en précisant que : « La science, dans son besoin d’achèvement comme dans son principe, s’oppose absolument à l’opinion. S’il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer l’opinion, c’est pour d’autres raisons que celles qui fondent l’opinion ; de sorte que l’opinion a, en droit, toujours tort. L’opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s’interdit de les connaître. On ne peut rien fonder sur l’opinion : il faut d’abord la détruire. »

Cette vérité s’oppose aux approches de prévision et de probabilité qui sont alimentées de la subjectivité, voire la non-crédibilité, car les locutions avancées sont construites sur des propositions et des suppositions (je pense que/ il me semble que/ à mes yeux…). Or, la science est entièrement universelle et validée contestant le recours aux axiomes. Aristote souligne que « La science, qui est universelle procède de propositions nécessaires (le nécessaire ne peut être autrement que ce qu’il est) ; l’opinion, elle, s’applique à ce qui, étant vrai ou faux, peut être autrement qu’il n’est pas. »  (1987 : 155)

En outre, les opinions n’obéissent en aucun cas à l’objectivité dont le fondement est redoutable et généralisant. On y recourt pour simplifier la complexité qu’exposent les faits au quotidien ou pour exprimer une réaction momentanée. Pierre Bourdieu note que « l’opinion ce qui est admis sans discussion et examen. »

La subjectivité offusque l’authenticité de la recherche et désoriente aveuglément le chercheur. En effet, toute théorie pour qu’elle soit validée et qu’elle valide les recherches, elle doit obéir à la rigueur et à l’exactitude. Bourdieu (2001) ajoute que : « il faut discréditer les évidences, briser l’adhésion au monde du sens commun.»

Donc, un chercheur a une position neutre, n’étant pas celle d’un homme politique ou d’un « homme ordinaire » au sens platonicien, qui analyse les événements tel qu’ils se présentent et montrent comment ils fonctionnent.

Youcef BACHA, jeune chercheur en didactique des langues, en linguistique et en littérature française. Attaché au laboratoire de Didactique de la Langue et des Textes, Université de Ali Lounici-Blida 2 (Algérie).

Références bibliographiques

Aristote (1987). Organon IV. Paris, Vrin.

Bachelard, Gaston (1938). La formation de l’esprit scientifique. Paris, Vrin.

Bourdieu, Pierre (2001). Langage et pouvoir symbolique. Paris, Seuil.

Weber, Max (2003). Le savant et le politique. Paris, La Découverte.

 

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