L’éloge paradoxal : textes vivants vs langues mortes

Reprenant, en parie, la réflexion introduite dans le célèbre manuscrit rastérien « l’éloge paradoxal », les présents propos développent la contradiction/la contraction revenant  souvent dans le verbatim pédagogique : langues mortes/ textes vivants.

Par le premier syntagme, on désigne souvent les langues anciennes qualifiées de mortes ou mères. Toutes ces épithètes dénigrent le substantif « langue ». Elles sont, précisément, le gréco-latin, le germanique et le chamito-sémitique ayant donné genèse à un chapelet de langues, entre autres, le français, l’espagnol, le portugais, etc. qui sont issus du latin ; l’anglais, l’allemand… sont dérivés du germanique ; l’arabe et l’hébreu sont des langues chamito-sémitiques.

 

                                                  Figure : Répartition des langues indo-européennes

La fourchette ci-après donne à voir la similitude entre les langues latines.

Français Italien Espagnol Portugais
amour amore amor amor
 

liberté

libertà  

libertad

 

liberdade

 

égalité

uguaglianza igualdad  igualdade

 

Tableau 1 : La famille des langues latines (ou romanes)

Cette typologie généalogique, conçue comme le fer de lance de la grammaire comparée, bâtie sur certain nombre de traits classificatoires tels que l’analogie morphologique, la désinence, l’affixation, etc.  Et c’est aux frères Schlegel (1808-1818) que l’on doit la première typologie classificatoire (Feuillet, 2006 : 17) :

1-Langues sans combinaison de forme.

2-Langues à éléments formels indépendants sans modification du radical (langues à affixe).

3-Langues à flexion comme le chinois.

Ensuite, Schleicher (1861) prenait le relais en popularisant une autre typologie tripartite : langues agglutinantes (ex. le turc), flexionnelles (ex. langues indo-européennes), isolantes ou indépendantes (ex. le chinois).

Par textes vivants, nous entendons tous les manuscrits pionniers, notamment philosophiques et littéraires, qui sont écrits par des auteurs notoires comme La Comédia qui est la célèbre œuvre de Dante (1265-1321), tenue pour l’un des chefs-d’œuvre de la littérature médiévale, Don Quichotte de la Manche de Miguel de Cervantès (1547-1616) qui est considéré comme le premier roman moderne envahissant l’histoire littéraire, La République de Platon (428/427 av. J.-C) développant une conception originale de la vie sociale à l’intérieur d’une Cité idéale (monde intelligible), Les Méditations métaphysiques de René Descartes (1596-1650) qui est une sorte de quête d’un fondement certain de la connaissance, en soumettant les idées reçues à l’expérience du cogito, Pantagruel de François Rabelais (1483-1553) qui est le premier roman mettant en scène les aventures picaresques du géant Pantagruel et les idéaux de l’humanisme de la Renaissance, notamment l’éducation, etc. Ces manuscrits constituent le soubassement inévitable et les ressources inépuisables dont s’inspirent les auteurs, actuellement, pour bâtir la toile de fond de leur réflexivité littéraire.

Ce fameux paradoxe ne jaillit ni d’une pensée philosophique ni d’une assise épistémologique mais d’une qualification subjectivée nécrologique envers ces langues ayant un long ancrage historique.

Au demeurant, possédant des propriétés biologiques, ces langues renaissent de leurs cendres et participent ainsi à l’épanouissement des langues dites vivantes en fortifiant leurs répertoires, via l’injection de certains vocables occurrents : in vivo, in situ, in vitro, in fine… qui ont une plus-value irremplaçable participant jovialement à leur enjolivement et à leur enrichissement.

De cet aperçu succinct, il apparait une disrépance patente entre la dénomination de ces langues et leurs apports primordiaux aux autres langues. En revanche, tant qu’une langue continue à exercer son impact sur les autres langues, sa vitalité demeure frappante et marquante au fil du temps.

D’autres interrogations épineuses faisant surface et qui pourraient faire aussi l’objet d’un débat fertile comme les qualificatifs ossifiés : langue maternelle pour désigner l’arabe scolaire dit classique qui n’est pas véritablement une langue d’usage quotidien ou l’épithète « étrangère » désignant le français ou l’anglais. Celles-ci réduisent «le statut » mouvant d’une langue à « une statue » figée et étrange.

Il convient aussi de « déscolastiquer » l’enseignement-apprentissage des langues pour entrer l’apprenant dans la mondio-citoyenneté, et de « décloisonner » les savoirs car la vie sociétale n’est pas cloisonnée. Autrement dit, mettre l’école au diapason de la société.

Youcef BACHA, jeune chercheur en didactique des langues, en linguistique et en littérature française. Attaché au laboratoire de Didactique de la Langue et des Textes, Université de Ali Lounici-Blida 2 (Algérie).

Références bibliographiques

Jack Feuillet (2006). Introduction à la typologie linguistique, Paris, Editions Champion.

La famille des langues latines (ou romanes), EOLE- Ciel et nuage, Annexe documentaire 10, 2003. Téléchargeable sous :http://eole.irdp.ch/activites_eole/annexes_doc/annexe_doc_10.pdf

Langues anciennes/langues modernes, Eduscol. Téléchargeable sous : https://cache.media.eduscol.education.fr/file/Langues_et_cultures_de_l_Antiquite/32/7/LCA_LanguesAnciennes-LanguesModernes_273327.pdf

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