Blanche fatigue

(À la mémoire de ceux et celles qui se nourrissent d’Histoire et qui sont morts dans des accidents géographiques)
Elle m’a demandé
Pourquoi tu es triste ?
Pourquoi ton regard est hagard
Et pourquoi le lait a disparu de ton visage ?
J’ai cherché des réponses mais je n’ai rien trouvé
Ni dans mon présent ni dans mon passé
Ni dans ma tête ni dans mes cahiers d’écoliers
Ou peut-être ne voulais-je pas répondre
Pour que l’argile de ma grand-mère ne pleure pas
Et pour que le Djurdjura ne s’effondre pas
Elle a baissé les yeux et murmuré
Je sais qu’on a dévoré ton enfance
Je sais qu’on veut étrangler ta jeunesse et ton innocence
Mais tout finira par passer
Le sang sous les ponts
Les mauvais souvenirs et les bons
Et tu guériras
Tu es atteint d’un pays
Une maladie qui s’appelle l’Algérie
Une indéchiffrable confusion entre sommeil et agonie
Une passion des jacqueries
Une blanche fatigue
Un déraisonnable goût des sommets
Une inévitable chute
Mais tu guériras
Car, aussi violente soit-elle, elle est éphémère
Comme une grippe saisonnière

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