Vivre à titre posthume
C’est l’hiver dehors
C’est l’hiver dans son cœur
La veille, elle a préparé un couscous
Mais ses parents ne sont pas venus
Ils sont allés danser avec les escargots
Ou enterrer leurs derniers oignons
Elle m’attend depuis le matin
Le café a cessé de fumer
Les effluves de tendresse matinale commencent à céder devant le remugle des vieux livres qui l’entourent
Le vin grelotte dans la carafe
Le feu s’ennuie dans la cheminée
Pourquoi tu tardes à arriver ?
À la télévision, on dit que l’amour est mort et que la vie fait son balluchon
On va tous mourir
Je lui ai répondu que la télévision ne dit pas la vérité
Peut-être que si, me dit-elle
Je marche depuis ce matin
Mais sur la route
Il y a trop de morts et je ne sais pas marcher sur les cadavres
Me suis-je expliqué
Elle m’a dit : « Et si on mourait avant de pouvoir s’aimer ? »
Je la prie de ne pas en avoir peur parce que l’amour est éternel
Elle n’en est pas convaincue
Sa voix tremble
Elle me fait son testament :
Si je meurs avant toi, jette nos rêves à la mer
Et si tu meurs avant moi, je planterai un olivier dans mon cœur.
Et si on meurt tous les deux ?
Je clouerai le bec à ce siècle d’amertume
Je tuerai la cupidité
Et on pourra vivre heureux à titre posthume