Aux origines du peuplement de l’Afrique du Nord (3e partie)
Art rupestre du Sahara
La prise de conscience existentielle de l’homme vis-à-vis de sa vie et de son environnement l’a conduit d’abord à réfléchir et à s’interroger sur la question de la vie et de la mort dans le premier temps, ensuite exprimer sa pensée dans le second temps. Au-delà de la satisfaction des besoins utilitaires (outils), l’homme préhistorique a eu recours à l’art pour manifester un autre besoin qui n’est pas du reste sans rapport avec sa spiritualité.
L’homme a commencé alors à exprimer sa pensée abstraite, à travers des objets d’art, tels que des figurines en terre cuite, des œufs d’autruche, des coquillages qui ont servi de pendeloques. Certains chercheurs voient en cette manifestation un « éveil spirituel » en ce sens qu’ils la considèrent comme une recherche de conciliation des forces naturelles[1]. Au- delà de la volonté de représenter la réalité de la vie quotidienne, les fresques rupestres du Tassili livrent un contenu sémantique qui n’est pas sans rapport avec une certaine volonté de représenter des mythologies. Amadou Hampâté Bâ, originaire du groupe pasteur Peul, interprète les fresques bovidiennes comme des tableaux scéniques représentant des cérémonies de rituels. Il leur trouve une similitude avec les cérémonies et pratiques rituelles du peuple Peul qui entretenait une relation sacrale avec les bovins. S. Hachi, fait un rapprochement avec le peuple Touareg, notamment avec la cosmogonie du couple Assouf/Abawal[2]. De son côté, la préhistorienne M. Hachid qui a étudié ce chef-d’œuvre préhistorique que sont les gravures et peintures rupestres. Elle s’exprime ainsi : « qu’il soit d’origine magico-religieuse, simplement narrative ou artistique, l’art préhistorique est un legs d’une inestimable valeur. »[3]
Ce bel ensemble d’art rupestre, classé par les spécialistes en périodes ou phases, constitue une bibliothèque à ciel ouvert. Ce classement chronologique fait l’unanimité, contrairement à leur datation qui, pour certains chercheurs comme M. Hachid, voient certaines phases plus anciennes qu’on le pense, à l’exemple de la phase dite pré-pastorale, celle des têtes rondes du Tassili.
- Période bubalin
Elle est dite naturaliste en raison de la représentation en grande nature des animaux sauvages tels que l’éléphant, l’antilope, la girafe et le bubale antique, Pelorovi antiqus, disparu au cours du Néolithique. Ces représentations sont les plus anciennes des représentations artistiques du Tassili. Et les nouvelles données des recherches récentes les font remonter au-delà de 20 000 ans[4].
- Période des têtes rondes
Elle est appelée ainsi en raison des têtes rondes des représentations humaines. Ce sont des œuvres peintes de la phase ancienne comme celle des naturalistes. Cet art dans lequel on voit des représentations d’êtres masqués est empreint d’une grande spiritualité selon quelques chercheurs. On dit que cet « art des têtes rondes est l’art le plus ancien qui s’intéresse à l’homme »[5]. On les rencontre particulièrement au Tassili et appartiennent principalement à une population négroïde.
- Période des bovidés
Cette période dite des bovidés se caractérise par des représentations de scènes de peintures mettant en avant des pasteurs et leurs troupeaux de bœufs. Il s’agit sans doute des premiers signes de domestication. Le Sahara n’était pas ce qu’il est aujourd’hui, le climat était humide, l’eau et les pâturages en abondance.
- Période caballine, dite aussi équidiènne ou celle du cheval
Pour la première fois, apparaissent des représentations artistiques où l’on voit des chevaux attelés à des chars à deux roues, conduits par des hommes armés. L’homme a besoin du cheval pour se déplacer, c’est le début de la raréfaction des points d’eau et des pâturages. Une scène artistique représente des troupeaux autour d’un puits d’où l’homme puise de l’eau à l’aide d’une poche en cuir, la désertification commence. Pour la première fois, des représentations de caractères libyques font leur apparition.
- Période Libyco berbère ou celle du chameau
Dans cette phase finale de la période du cheval et de la désertification, le cheval est remplacé par le chameau, mieux adapté aux conditions difficiles du Sahara. L’artiste évolue aussi et change de style dans ses œuvres, en schématisant. Dans ce nouvel art schématique : le corps humain n’est qu’un agencement de figures géométriques. Ceci n’est qu’une introduction pour la préparation à l’écriture. La présence des caractères libyques à côté des représentations animales et humaines est plus affirmée dans cette phase. Ainsi prend fin de la préhistoire avec l’apparition des écritures.
[1] N. Ain-Séba, 2003, « L’art des origines », in Algérie, deux millions d’années d’histoire, L’art des origines, Alger, Djazair, p.15.
[2] S. Hachi, « Aux origines berbères, À propos de l’hypothèse des origines capsiennes », in Izuran-Racines, n°7, Nov-Déc. 1999, p. 7.
[3] M. Hachid, 1983, « L’art rupestre préhistorique en Algérie », in Al Insan, n° 2, Alger, CRAP, p.5-12.
[4] N. Ain-Séba, 2003, « L’art des origines », in Algérie, deux millions d’années d’histoire, L’art des origines, Alger, Djazair, p. 17.
[5] Ibid, p.18.