Yaoum al îilm ou le bal des onomatopées

Cette année, pas d’estrades blafardes. Ni de célébration à la hussarde. Car le seize avril a été biffé du calendrier des simagrées. Et du carnaval des sirupeuses mélopées. Le bal des psalmodies pour célébrer le jour de la science. Un jour par an. Comme pour l’arbre, l’eau, la femme, la cigarette, le combattant, le scout, le sang ou l’air. La science a aussi sa journée de commémoration. Le jour de la Science. Moment vaudevillesque où toutes sortes d’écervelés se découvrent des âmes de philosophes éclairés. Tenant des propos de doctes et de sachants inspirés. Sous le regard éteint d’une icône barbue et pitoyablement médusée. Tirée de son oubli une fois par an. Le jour de la réminiscence. Le simulacre de la souvenance. La halqa au chevet de la connaissance. Dans une société qui se fout savamment de la science. Une société qui a érigé la débrouille en valeur nationale. Et la magouille en référent archétypal. Dans une société de toutes les incompétences et de toutes les inconséquences, la science devient, une journée durant, la sainte référence. Un prétexte d’attroupements, de douteuses accointances et de troubles connivences. Sous des guirlandes piteusement hébétées. Et des gâteaux secs désespérément empestés. Loin d’avoir le goût de faire oublier le désastre des institutions censées produire du savoir. Loin de dévoiler la place qu’occupe la roue de la science dans la charrette branlante du pouvoir. Un pouvoir qui cultive l’inculture. Fastueusement. Et laboure les moissons de tous les parjures. Copieusement. Un jour de la science pompeusement solennel. Un jour qui ignore superbement le naufrage de l’école et de l’université. Un jour qui insulte profusément le livre, les librairies et toutes les fabriques du sens et de la signifiance. Un jour terne qui expédie aux gémonies les quelques rares chercheurs osant encore s’aventurer dans l’univers brumeux de la cognition. Les scientifiques qui ont la recherche et la connaissance comme vocation. Et qui n’ont cure de ces cérémonies obséquieuses d’épanchements, d’incantations et d’invocations. Car les scientifiques savent que la science est une chose trop sérieuse pour la céder à ces cabotins balbutiants. Ni à leurs tuteurs ignares et frétillants. Un jour ombreux pour proférer de visqueuses onomatopées sur les bienfaits de la science et de la connaissance. Dans une société qui sublime, durant toute l’année, les vertus de l’ignorance.

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