Wahby, l’innommable articide
La bête immonde est toujours aux aguets. Prompte aux griffures. Aux éclaboussures et aux souillures. Aux salissures des symboles de l’art et de la création. A la flétrissure de tous les emblèmes vivants de l’imagination. Même quand ils sont soumis à l’immobilité. Même quand ils sont réduits au silence baptismal. Ainsi même sur le fronton d’une modeste école primaire ce nom était insupportable. Ahmed Wahby. Ce nom dérangeait. Le nom d’un artiste immense gênait. Une modeste école d’une ville où il avait chanté les joies et les peines de l’Algérie. Avec tes textes et des mélodies suavement colorées. Et un rêve indompté en bandoulière. Porteur d’un projet fou pour les arts de son pays. Pour cette contrée qu’il a tant chéri. Une contrée où tout incite à rêver et à aimer. Ce fut son sacerdoce d’artiste inspiré. Ce combat pour la beauté fait toujours peur aux vigiles de l’obscurcissement. Les porteurs des voiles de l’assombrissement. Et qui ont, à présent, leurs représentants sur les gradins de la honte. Dans les deux anfractuosités officielles et dans les coulises poisseuses de plusieurs mairies. C’est l’un de ces sinistres pantins qui s’est juré, avec ses lugubres acolytes, de tout faire pour débaptiser cette école. D’effacer le nom de ce grand artiste qui a tant donné pour son pays. L’effacer d’un mur muet pour se mesurer à lui post mortem. Projet de société contre projet de société. Symbole contre symbole. Et les siens sont ceux qui ont pour objectif d’obsturer les pores artistiques et poétiques de l’Algérie. De lui bander totalement les yeux. Avant de l’immerger irréversiblement dans la profondeur épaisse des ténèbres. En utilisant, à présent, les armes de la République pour la tuer. En commencant par étendre le voile opaque de l’amnésie sur les noms sèment la lumière et la beauté. Cette modeste école primaire ne portera plus le nom Wahby, cet artiste qui a fait la fiérté de l’oranie puis de l’Algérie entière. Le figurant des laboureurs de l’apocalypse peut se réjouir. Et les obscurantistes invétérés qui lui tiennent la main aussi. Pour quelques instants de fugace jubilation seulement. Car le rêve artistique de Wahby n’a guère besoin d’un pâle panonceau pour continuer à briller. Et à faire voyager son message de poésie et de beauté à travers toute la mediterranée. Où sont plongés les pieds de sa demeure mythique de Claire Fontaine. Un Wahby qui hante les courbures voluptueuses de la corniche oranaise. Et où à chaque évocation de son nom, à chaque note de son art se mettent à danser et à chanter les nymphes indociles de la sublimité.