Les retrouvailles de soi
Quand elle n’est pas fermement ligotée dans l’univers glaciaire des constantes momifiées, elle resurgit dans le fracas des cris et des balles. Dans l’étourdissant tourbillonnement de la tourmente fracassée. Telle une bourrasque pressée. Qui approfondit les craquelures, les césures et les fêlures. Et qui élargit la béance de l’inextinguible blessure. La blessure intime de soi. La blessure infinie en soi. Que chaque algérien charrie comme une empreinte angoissée et indélébile. Une quête désespérément inassouvie. Et c’est pour cela qu’elle ne saurait être confinée à une région, à un groupe ou à une tribu. Car il y a indubitablement un problème des identités. Un problème national des identités. Ou des identités nationales. Peu importe. Un problème de retrouvailles avec soi. Les retrouvailles de soi. Une urgence de réconciliation avec sa propre altérité. L’altérité intérieure. L’altérité intrinsèque. La quintessence signifiante de notre inaltérable pluralité. La disparité foisonnante qui nous fait. Qui fait de chacun de nous, un et plusieurs à la fois. Depuis des lustres. Nous qui n’avons évolué que par subreptices feux d’entrecroisements. Et par glissements imperceptibles d’engendrements. A la confluence de plusieurs origines innomées. De plusieurs généalogies non assumées. Et de plusieurs passés antérieurs. Mal conjugués. Malmenés par toutes les engeances psalmodiantes qui se sont succédées. Et qui sont allées jusqu’à couvrir le mot d’identité d’une épaisse opacité. L’exilant du champ de toute questionnativité. Le bannissant de toute interrogativité rédemptrice. Lui substituant des catégories semeuses d’inertie. D’affaissement, d’immobilité et de fixité. Durant plus d’un demi-siècle. Les problèmes curiaux de la société algérienne ont été occultés. Scotomisés par un système qui a érigé le syncrétisme idéologique et l’hybridisme politique en dogmes intangibles. Sapant ainsi l’élan vital de tout un pays qui a toutes les veines et toutes les potentialités de se réaliser. De s’objectiver dans la plénitude de toute sa luxuriante diversité. Dans toutes ses différences et toutes ses dissemblances. De devenir cette société qui assume pleinement ses dissimilitudes, ses divergences et ses dissonances. Une société apte à conjuguer intelligemment et sereinement ses richesses linguistiques, culturelles, cultuelles et existentielles. C’est tout simplement cela, l’identité. Et nous voilà, à présent, tout à fait aptes à la porter. Comme une amulette réflichissante sur la poitrine épanouie de notre dignité.